LE RAYON ORANGE, GABRIEL GUIGNARD
LE TROTTEUR / SCIENCES ANTICIPATION # 7, 1954
Il y a de cela très exactement (ou presque) un an, je m'étais montré particulièrement dithyrambique au sujet de Baby Tiger Joue Et Perd, un faux sexy-polar signé par un certain Gabriel Guignard, publié au trotteur sous le pseudonyme de John Ellis et dans lequel le kidnapping d'une starlette américaine justifiait un improbable imbroglio mondial rappelant, le génie et les expérimentations en moins, les premières œuvres satiriques de John Sladek (dois-je citer des titres ?)
En 200 pages bien tassées et à la densité fort étonnante pour un roman du trotteur, Guignard faisait montre d'un style très personnel, désinvolte, léger, humoristique mais très souvent pince-sans-rire. Enchaînant sans répit situations loufoques et prudes évocations de ces carnages propres aux romans du Trotteur, Baby Tiger Joue Et Perd faisait alors penser à un insouciant muet burlesque carambolant un James Cagney sautillant. Combinaison sublime qui, ajoutée à l'écriture joliment travaillée de Guignard, hissait sans aucunes difficultés ce petit polar au rang des incontestables réussîtes oubliées du genre.
Je me montrerai par contre bien moins enjoué en abordant un second roman de Guignard, Le Rayon Orange, récit science-fictif ne manquant pourtant pas de charme – ce charme typiquement, non pas retro mais plutôt préhistorique de la nouvelle SF française des années 50, à mille lieu du professionnalisme anglo-saxon et où, pour un magnifique Yves Dermeze aux éditions Metal l'on doit aussi se tartiner 11 Flamme D'Or incompréhensibles, écrits en dépit du bon sens et proche du délire constant.
Charme aussi de l'écriture et des idées de Guignard, bien décidé à ne pas jouer sur le même terrain que ses compagnons mercenaires du récit populo. L'étrangeté des personnages n'est pas sans rappeler Jan A Rey (ou, plus proche de notre époque, le tout premier roman de David Calvo), l'intrigue débute de manière étonnante et Guignard accumule de très nombreuses notes de bas de pages volontairement farfelues, renforçant ainsi l'impression de récréation formelle.
Charme malheureusement bien vite brisé. Si il est bien plus court que Baby Tiger, Le Rayon Orange apparaît aussi bien moins travaillé. Passé les 50 premières pages, l'intrigue se recentre d'ailleurs sur du classique. C'est le format type de la SF années 50 : une fusée, un mystère, un départ dans l'espace, la découverte émerveillée d'une planète exotique, le retour, la résolution terrestre, épilogue, fin. Je ne vais pas me plaindre de cet aspect routinier mais Guignard n'arrive pas à le dépasser. Pire, il s'y enlise.
Les 130 premières pages manquent cruellement de folie. Certes, les cachets de Glycenium, les messages post-mortem à l'encre sympathique, le monde inversé ou la ville-perle sont de belles idées mais cela n'empêche pas Le Rayon Orange de nager dans le petit roman anticipation à fusée Brantonne, genre les pires moments de Richard et Bessiere.
(Oula ! C'est du lourd ! Essayez un jour Les Pionnier Du Cosmos et sa suite Le Chemin Des Etoiles, vous m'en direz des nouvelles...)
Passé 130 pages, par contre, c'est la surprise, la très grosse surprise, mais l'effet n'est en aucun cas positif. Nos héros, perdus dans l'espace, découvrent la véritable nature de leurs ennemis. Ce sont des Japonais. Mais attention ! Pas des Japonais de l'espace, comme les chinois spatiaux de Flash Gordon, mais bien des Japonais japonais, des japonais terrestre quoi, nos japonais à nous si tu préfères, amateurs de bondage, d'urolagnie en folie et de petites culottes blanches à renifler. Sauf que là, ils sont bien moins marrants, les bridés vicieux. En secret, ils ont conquit la galaxie et projettent d'atomiser la terre en représailles pour le coup du double bombardement d'août 45.
Sachant que le roman se déroule en 2006, on peut dire qu'ils sont rancuniers les gonzes.
Heureusement, nos héros sont là et les 40 dernières pages du Rayon Orange sont alors gâchées à vaillamment exterminer du méchant jaune bridé pas beau, en masse de préférence, façon génocide au rayon pulvérisant. Une sacrée suite d'atomisation en série qui, après l'explosion de New-Yeso, la planète-mère des Japonais, voit l'un de nos gentils héros s'exclamer joyeusement au sujet d'Hiroshima et de Nagasaki : "Enfoncés !"
Un coup à en rester baba. Les lecteurs consciencieux pourront vérifier le méfait en page 150.
Quant au final, une fois le monde débarrassé des Japonais, il achève de plomber définitivement le roman.
Je me permettrais juste de noter, et avec un sérieux qui me fait bien souvent défaut, une chose particulièrement positive dans ce triste marasme ni drôle ni distrayant : Le Rayon Orange m'a donné envie de relire Baby Tiger Joue Et Perd et j'espère qu'à la lecture de ce post, il en sera de même pour vous...
LE TROTTEUR / SCIENCES ANTICIPATION # 7, 1954
Il y a de cela très exactement (ou presque) un an, je m'étais montré particulièrement dithyrambique au sujet de Baby Tiger Joue Et Perd, un faux sexy-polar signé par un certain Gabriel Guignard, publié au trotteur sous le pseudonyme de John Ellis et dans lequel le kidnapping d'une starlette américaine justifiait un improbable imbroglio mondial rappelant, le génie et les expérimentations en moins, les premières œuvres satiriques de John Sladek (dois-je citer des titres ?)
En 200 pages bien tassées et à la densité fort étonnante pour un roman du trotteur, Guignard faisait montre d'un style très personnel, désinvolte, léger, humoristique mais très souvent pince-sans-rire. Enchaînant sans répit situations loufoques et prudes évocations de ces carnages propres aux romans du Trotteur, Baby Tiger Joue Et Perd faisait alors penser à un insouciant muet burlesque carambolant un James Cagney sautillant. Combinaison sublime qui, ajoutée à l'écriture joliment travaillée de Guignard, hissait sans aucunes difficultés ce petit polar au rang des incontestables réussîtes oubliées du genre.
Je me montrerai par contre bien moins enjoué en abordant un second roman de Guignard, Le Rayon Orange, récit science-fictif ne manquant pourtant pas de charme – ce charme typiquement, non pas retro mais plutôt préhistorique de la nouvelle SF française des années 50, à mille lieu du professionnalisme anglo-saxon et où, pour un magnifique Yves Dermeze aux éditions Metal l'on doit aussi se tartiner 11 Flamme D'Or incompréhensibles, écrits en dépit du bon sens et proche du délire constant.
Charme aussi de l'écriture et des idées de Guignard, bien décidé à ne pas jouer sur le même terrain que ses compagnons mercenaires du récit populo. L'étrangeté des personnages n'est pas sans rappeler Jan A Rey (ou, plus proche de notre époque, le tout premier roman de David Calvo), l'intrigue débute de manière étonnante et Guignard accumule de très nombreuses notes de bas de pages volontairement farfelues, renforçant ainsi l'impression de récréation formelle.
Charme malheureusement bien vite brisé. Si il est bien plus court que Baby Tiger, Le Rayon Orange apparaît aussi bien moins travaillé. Passé les 50 premières pages, l'intrigue se recentre d'ailleurs sur du classique. C'est le format type de la SF années 50 : une fusée, un mystère, un départ dans l'espace, la découverte émerveillée d'une planète exotique, le retour, la résolution terrestre, épilogue, fin. Je ne vais pas me plaindre de cet aspect routinier mais Guignard n'arrive pas à le dépasser. Pire, il s'y enlise.
Les 130 premières pages manquent cruellement de folie. Certes, les cachets de Glycenium, les messages post-mortem à l'encre sympathique, le monde inversé ou la ville-perle sont de belles idées mais cela n'empêche pas Le Rayon Orange de nager dans le petit roman anticipation à fusée Brantonne, genre les pires moments de Richard et Bessiere.
(Oula ! C'est du lourd ! Essayez un jour Les Pionnier Du Cosmos et sa suite Le Chemin Des Etoiles, vous m'en direz des nouvelles...)
Passé 130 pages, par contre, c'est la surprise, la très grosse surprise, mais l'effet n'est en aucun cas positif. Nos héros, perdus dans l'espace, découvrent la véritable nature de leurs ennemis. Ce sont des Japonais. Mais attention ! Pas des Japonais de l'espace, comme les chinois spatiaux de Flash Gordon, mais bien des Japonais japonais, des japonais terrestre quoi, nos japonais à nous si tu préfères, amateurs de bondage, d'urolagnie en folie et de petites culottes blanches à renifler. Sauf que là, ils sont bien moins marrants, les bridés vicieux. En secret, ils ont conquit la galaxie et projettent d'atomiser la terre en représailles pour le coup du double bombardement d'août 45.
Sachant que le roman se déroule en 2006, on peut dire qu'ils sont rancuniers les gonzes.
Heureusement, nos héros sont là et les 40 dernières pages du Rayon Orange sont alors gâchées à vaillamment exterminer du méchant jaune bridé pas beau, en masse de préférence, façon génocide au rayon pulvérisant. Une sacrée suite d'atomisation en série qui, après l'explosion de New-Yeso, la planète-mère des Japonais, voit l'un de nos gentils héros s'exclamer joyeusement au sujet d'Hiroshima et de Nagasaki : "Enfoncés !"
Un coup à en rester baba. Les lecteurs consciencieux pourront vérifier le méfait en page 150.
Quant au final, une fois le monde débarrassé des Japonais, il achève de plomber définitivement le roman.
Je me permettrais juste de noter, et avec un sérieux qui me fait bien souvent défaut, une chose particulièrement positive dans ce triste marasme ni drôle ni distrayant : Le Rayon Orange m'a donné envie de relire Baby Tiger Joue Et Perd et j'espère qu'à la lecture de ce post, il en sera de même pour vous...
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