TWO-GUN CROWLEY

CALIBRE 38, VICTOR ROSEN
GALLIMARD / SERIE NOIRE, 1951

Récit documentaire légèrement romancé, Calibre 38 (A Gun In His Hand en V.O.), seul texte que je connaisse de Victor Rosen, s'attache à retracer la dernière année de Francis Crowley, dit Shorty, dit Frank les deux feux - en anglais, Frank Two-Gun Crowley - personnage, véridique, étonnant et légendaire des jours de gloire du banditisme américain moderne.
"C'était l'époque où Dutch Schultz, Vincent 'Chien Enragé' Coil, Legs Diamond et la bande d'Al Capone tenaient le haut du pavé. Les trottoirs de New-York, de Chicago, de Kansas City et de toutes les grandes villes américaines, étaient transformés en stand de tir à ciel ouvert, où les hauts seigneurs des bas-fonds liquidaient leurs querelles de préséances et leurs litiges d'opinion. On faisait supprimer un ennemi pour cinquante dollars et, moyennant un modeste supplément, on pouvait faire sceller son corps dans un bloc de ciment et l'immerger sous dix mètres d'eau."
C'était donc 1931. Mais si le syndicat du crime, la vieille mafia, le futur grand syndicat, tenait le haut du pavé, Two-Gun Frank ne faisait pas parti des affranchis. Ni chapeauté par un caïd de la sulfateuse, ni drivé par des ambitions financières dévorantes, Two-Gun n'était en réalité qu'un jeunot au tempérament particulièrement turbulent, une petite gouape à fière allure, vaguement homosexuel, et se prenant pour un gros dur des quartiers pauvres, vouant une haine sans commune mesure aux flics et à l'autorité, sous quelque forme quelle puisse prendre.
Demi-sel plutôt marle aux intentions résolument ferme, petit nerveux rossant aux coins des rues sombres du Bronx pédérastes aventureux, fillettes de petites vertus et gamins presque-pubères, tout cela pour arrondir l'agrément de ses fins de mois, le voila qui, tout juste âgé de 18 ans et se rêvant un avenir forcement grandiose de ténor médiatique du macadam, part en croisade de déssoudage des forces de l'ordre - bille en tête et sans trop réfléchir aux conséquences, exceptées celles liées aux premières pages des journaux à fort tirages, son but semblant être de devenir le criminel le plus connu des états-unis.
"Ce garçon, de toute évidence, était un oppositionnel. Il avait le goût du conflit sous toutes ses formes, se battait pour le plaisir de se battre et ne s'embarrassait pas de justifier ses querelles."
La suite est de notoriété publique. Ainsi, après le siège dramatique de son domicile New-Yorkais par des hordes flicards enragés, Crowley termina majestueusement sa courte carrière d'ange exterminateur, de Pierre Loutrel décadent et pas fini, sur la chaise à chauffer, la chaise électrique.
Représentation parfaite et intemporelle du petit criminel sanguinaire, du tueur déraisonnable en butte au système, Crowley servit d'ailleurs d'inspiration pour le personnage de James Cagney dans le White Heat (L'Enfer Est à Lui) de Raoul Walsh.
Quant à l'année de ses sanglantes exactions (1931), elle
coïncide étrangement avec la sortie du Public Enemy (L'Ennemi Publique), un Cagney primordial, débutant par un avertissement affectant la fictivité du sujet et auquel on ne peut s'empêcher de penser en lisant Calibre 38.
"[Crowley] symbolisait son époque. Il était l'incarnation de cette Jeunesse Ardente qui eut Scott Fitzerald pour historiographe et qui se jetait à corps perdu dans le tourbillon dévorant de l'Ere du Gin et du Jazz. A la même époque, James Cagney révolutionnait les salles obscures en personnifiant, avec un réalisme brutal, le petit voyou impitoyable, ricanant, insolent, qui écrase un pamplemousse sur la figure de sa bien aimée et abat ses adversaires avec une désinvolture rageuse."
Comme document, sur la période, sur l'homme ou sur la truanderie en général, Calibre 38 est précieux, important, et même très appreciable - ni allons pas par quatre chemins !
Simple et dépouillée, bien que légèrement poussiéreuse, l'écriture de Rosen y est fort efficace et, excepté un final versant quelque peu dans un pathétique vaguement exagéré (mais aurait-il été possible de passer outre ?), l'auteur évite la plus part des écueils propre à ce type d'exercice.
Du solide, donc, sans grande originalité mais accompagnant parfaitement les fictions polardeuses US de la même période.

2 commentaires:

filo a dit…

je connaissais pas...je le rajoute sur ma most wanted liste !

ROBO32.EXE a dit…

dans le même genre, sur les gangsters/truands/tueurs des années 30, et toujours en série noire, tu as aussi un Ron Goulart, les 13 César (#1162)
j'en parlerai possiblement dans le mois.