A NOUS DEUX TOUBIB !, KAROL BOR
ARABESQUE ESPIONNAGE # 323, 1964
Le roman débute par un "bref avant-propos." Karol Bor, l'auteur, y encense le roman de son "excellent confrère et ami Gil Darcy," Luc Ferran Change De Dame (Arabesque # 305). L'amateur d'espionnage sixties légèrement au courant peut se marrer. A cette époque, Karol Bor et Gil Darcy n'étaient en effet les pseudonymes que d'un seul et même auteur : Jean Buré. Voila ce qui s'appelle s'envoyer des fleurs par façade interposée.
Mais venons en aux faits. Car, dans cet épisode de Luc Ferran, et toujours selon Karol Bor, l'auteur "a tenté et réussi la gageure d'écrire un livre d'espionnage sans qu'il n'y eu le moindre cadavre, sans même la plus petite scène de torture. [...] Pour l'histoire qui suit, j'ai voulu reprendre la balle lancée par Gil Darcy et essayer de la renvoyer un peu plus loin."
Oh bordel ! De l'espionnage sans carnage sanguinolent ni violence gratuite ? Je sens que cette affaire est mal barré.
Moi, je suis un être frustre - certainement plus George Maxwell que Jean Paul Sartre - et l'idée de me confronter 200 pages durant à un roman sans massacre, sans extermination, sans destruction totale ni pogrom constant me foutait vaguement les grelots. Néanmoins, je dois l'avouer, Karol Bor s'en est plutôt bien sorti - ce qui, finalement, n'est pas très surprenant de la part d'un auteur qui signait en Anticipation et sous le pseudonyme de Jan de Fast les aventures spatiales pacifiques, naïves mais toujours réussies du Docteur Alan.
Et tout comme les récits de sa version ''praticien intersidéral'' au fleuve noir, cette aventure du Toubib est lancé de façon fort classique (deux agents secrets s'affrontent, qui va gagner ? Le gentil, of course !) tout en accusant un petit twist "à gauche" façon Yves Dermeze ou GJ Arnaud. En effet, à la fin, le méchant se révèle être à la solde des états-unis, les ricains voulant empêcher l'union européenne. Rien de très novateur mais l'espace de 215 pages (en gros caractère et avec beaucoup de saut de lignes), ça nous change de nos sempiternels cocos ruskofs ou chintoques.
Quant à la couverture de Jef De Wulf, l'amateur de cinéma noir reconnaîtra Edward G. Robinson dans le rôle du méchant espion qui ne sait pas viser droit. Classe !
RACKET A KOWEIT, JEAN LAUNE
ARABESQUE ESPIONNAGE # 272, 1963
Cette fois, il y a des morts. Hourrah ! 9, si j'ai bien compté. Et même un peu de torture, de ci de là. Le bonheur.
A part ça, rien de très spécial à signaler.
Jean Laune officie dans le mélange d'espionnage et de récit de détective privé, le tout planté dans un décors moyen-oriental. Ça donne à l'ensemble un petit caché retro années 50, celui des premiers arabesque Espionnage, des Diego Suarez chez Guerber ou des adaptations cinématographique de Lemmy Caution, plus particulièrement La Môme Vert-De-Gris, un film pillé à tout va dans les petites collections d'agents secrets pas encore à la mode
(par exemple, mettez la main sur Corrida à Goettingen de Paul Kogan en Arabesque, vous verrez, les emprunts sont assez flagrants... mais je m'égare, alors reprenons, deux point à la ligne :
voila, hop, donc, dans Racket A Koweit, Jac Merlin, détective sans le sous - et même sans secrétaire sexy digne de ce nom - enquête sur une mystérieuse cargaison d'armes. S'en suivent divers séances de baston à plein tube, quelques règlements de comptes entre arabes, des trahisons en vrac et des services de renseignements en pagaille. Le lecteur suit grosso-modo l'intrigue. Elle n'est ni très intéressante ni trop ennuyeuse. Une sorte de minimum syndical pour espionnage dominical par temps de pluie. Notons tout de même que Jean Laune écrit bien, évitant les lourdeurs habituelles et ponctuant son récit de descriptions joliment imagées. Dans le domaine de cette littérature au kilomètre qu'est l'espionnage, la chose est assez remarquable.
Remarquons aussi qu'un certain Jean Sabrou remplace, une fois n'est pas coutume, l'habituel Jef De Wulf à la couverture.
Quelqu'un en sait-il plus sur cet illustrateur ?
3 ESPIONS SUR UN BATEAU, CLAUDE STEPHEN
ARABESQUE ESPIONNAGE # 328, 1964
Encore un arabesque débutant par un bref avant-propos. Pour le coup, c'est Eric Dornes, le directeur de collection, qui s'y colle et nous présente son petit poulain, Claude Stephen, jeune auteur de 17 ans, "étudiant en philosophie, grand admirateur de Camus et grand dévoreur de littérature classique." Il lui laisse même la parole à quelques reprises. De grands moments. Stephen nous déclare en effet : "Un jour, j'écrirai vraiment ! De romancier, j'espère passer au stade d'écrivain."
Ben mon coco, t'es optimiste ! Parceque, ton 3 Espions Sur Un Bateau, permets moi d'être honnête, c'est pas vraiment folichon. J'ai même bien failli m'y assoupir pour de bon. Il n'y a qu'à prendre la première phrase : "Le ciel est bleu, la mer est verte..." Ça va loin, c'est du lourd et en plus, phrase suivante, t'enfonces le clou : "Mais cette nuit-là, le détroit du Bosphore n'avait rien des qualités citées plus haut."
Ah ben oui, forcement. Du grand art ! Monsieur est poète, je vois. La nuit, le jour, les couleurs, les mots qui s'enchaînent et qui forment des phrases. Sensation sublime. Et puis il y a aussi l'histoire, forcement passionnante. L'histoire d'un navire russe qui s'échoue en plein Istambul par la faute d'un capitaine alcoolique dont le juron favori est "Par les parties sexuelles de Staline !" Magnifique ! Génial !
Ensuite, pour faire monter la sauce, les états unis envoient leur super-espion enquêter. Mike Trent. Un type qu'il a deux prénoms. Alors, bon, comme il a que ça à faire, ben, il enquête un peu. Voila. 215 pages durant. On sait pas trop comment l'appeler. Mike. Ou Trent. Même l'auteur hésite. C'est dire. Bon, à part ça, il se bagarre. Mais ça tourne mal alors il est fait prisonnier. Puis il s'échappe. Et se re-fout sur la tronche avec des bonhommes patibulaires. Et se refait faire prisonnier. Et ainsi de suite...
Comme pour A Nous Deux Toubib, 3 Espions Sur Un Bateau est écrit gros et saute beaucoup de lignes mais ça n'aide pas. Faut donc lui filer un petit coup de main de temps à autres. Tourner 3 pages au lieu d'une, par exemple. Vous pouvez aussi essayer le saut complet de chapitre, c'est pas mal, ça fait gagner du temps.
Quant à Claude Stephen, il fait de temps à autre quelques tentatives humoristiques et soutient son effort par une lexicalité légèrement argotique, cherchant par là même à atteindre l'énergie de la littérature polardeuse swing. Manque de pot, ça ne rend l'ensemble que plus pénible. N'est pas traducteur à la Série Noire qui veut.
Bref, ce fut long et ce fut douloureux. Dans sa préface, Eric Dornes conclu en écrivant : "Je suis persuadé que Claude Stephen sera un jour au roman d'espionnage ce que sont maintenant Johnny Hallyday et Claude François à la chanson moderne." Dix ans plus tard, Claude Stephen se retrouvait à pondre du porno pour le compte des éditions Euredif.
Faudra tout de même aller vérifier si l'écriture s'est améliorée...
...on sait jamais.
ARABESQUE ESPIONNAGE # 323, 1964
Le roman débute par un "bref avant-propos." Karol Bor, l'auteur, y encense le roman de son "excellent confrère et ami Gil Darcy," Luc Ferran Change De Dame (Arabesque # 305). L'amateur d'espionnage sixties légèrement au courant peut se marrer. A cette époque, Karol Bor et Gil Darcy n'étaient en effet les pseudonymes que d'un seul et même auteur : Jean Buré. Voila ce qui s'appelle s'envoyer des fleurs par façade interposée.
Mais venons en aux faits. Car, dans cet épisode de Luc Ferran, et toujours selon Karol Bor, l'auteur "a tenté et réussi la gageure d'écrire un livre d'espionnage sans qu'il n'y eu le moindre cadavre, sans même la plus petite scène de torture. [...] Pour l'histoire qui suit, j'ai voulu reprendre la balle lancée par Gil Darcy et essayer de la renvoyer un peu plus loin."
Oh bordel ! De l'espionnage sans carnage sanguinolent ni violence gratuite ? Je sens que cette affaire est mal barré.
Moi, je suis un être frustre - certainement plus George Maxwell que Jean Paul Sartre - et l'idée de me confronter 200 pages durant à un roman sans massacre, sans extermination, sans destruction totale ni pogrom constant me foutait vaguement les grelots. Néanmoins, je dois l'avouer, Karol Bor s'en est plutôt bien sorti - ce qui, finalement, n'est pas très surprenant de la part d'un auteur qui signait en Anticipation et sous le pseudonyme de Jan de Fast les aventures spatiales pacifiques, naïves mais toujours réussies du Docteur Alan.
Et tout comme les récits de sa version ''praticien intersidéral'' au fleuve noir, cette aventure du Toubib est lancé de façon fort classique (deux agents secrets s'affrontent, qui va gagner ? Le gentil, of course !) tout en accusant un petit twist "à gauche" façon Yves Dermeze ou GJ Arnaud. En effet, à la fin, le méchant se révèle être à la solde des états-unis, les ricains voulant empêcher l'union européenne. Rien de très novateur mais l'espace de 215 pages (en gros caractère et avec beaucoup de saut de lignes), ça nous change de nos sempiternels cocos ruskofs ou chintoques.
Quant à la couverture de Jef De Wulf, l'amateur de cinéma noir reconnaîtra Edward G. Robinson dans le rôle du méchant espion qui ne sait pas viser droit. Classe !
RACKET A KOWEIT, JEAN LAUNE
ARABESQUE ESPIONNAGE # 272, 1963
Cette fois, il y a des morts. Hourrah ! 9, si j'ai bien compté. Et même un peu de torture, de ci de là. Le bonheur.
A part ça, rien de très spécial à signaler.
Jean Laune officie dans le mélange d'espionnage et de récit de détective privé, le tout planté dans un décors moyen-oriental. Ça donne à l'ensemble un petit caché retro années 50, celui des premiers arabesque Espionnage, des Diego Suarez chez Guerber ou des adaptations cinématographique de Lemmy Caution, plus particulièrement La Môme Vert-De-Gris, un film pillé à tout va dans les petites collections d'agents secrets pas encore à la mode
(par exemple, mettez la main sur Corrida à Goettingen de Paul Kogan en Arabesque, vous verrez, les emprunts sont assez flagrants... mais je m'égare, alors reprenons, deux point à la ligne :
voila, hop, donc, dans Racket A Koweit, Jac Merlin, détective sans le sous - et même sans secrétaire sexy digne de ce nom - enquête sur une mystérieuse cargaison d'armes. S'en suivent divers séances de baston à plein tube, quelques règlements de comptes entre arabes, des trahisons en vrac et des services de renseignements en pagaille. Le lecteur suit grosso-modo l'intrigue. Elle n'est ni très intéressante ni trop ennuyeuse. Une sorte de minimum syndical pour espionnage dominical par temps de pluie. Notons tout de même que Jean Laune écrit bien, évitant les lourdeurs habituelles et ponctuant son récit de descriptions joliment imagées. Dans le domaine de cette littérature au kilomètre qu'est l'espionnage, la chose est assez remarquable.
Remarquons aussi qu'un certain Jean Sabrou remplace, une fois n'est pas coutume, l'habituel Jef De Wulf à la couverture.
Quelqu'un en sait-il plus sur cet illustrateur ?
3 ESPIONS SUR UN BATEAU, CLAUDE STEPHEN
ARABESQUE ESPIONNAGE # 328, 1964
Encore un arabesque débutant par un bref avant-propos. Pour le coup, c'est Eric Dornes, le directeur de collection, qui s'y colle et nous présente son petit poulain, Claude Stephen, jeune auteur de 17 ans, "étudiant en philosophie, grand admirateur de Camus et grand dévoreur de littérature classique." Il lui laisse même la parole à quelques reprises. De grands moments. Stephen nous déclare en effet : "Un jour, j'écrirai vraiment ! De romancier, j'espère passer au stade d'écrivain."
Ben mon coco, t'es optimiste ! Parceque, ton 3 Espions Sur Un Bateau, permets moi d'être honnête, c'est pas vraiment folichon. J'ai même bien failli m'y assoupir pour de bon. Il n'y a qu'à prendre la première phrase : "Le ciel est bleu, la mer est verte..." Ça va loin, c'est du lourd et en plus, phrase suivante, t'enfonces le clou : "Mais cette nuit-là, le détroit du Bosphore n'avait rien des qualités citées plus haut."
Ah ben oui, forcement. Du grand art ! Monsieur est poète, je vois. La nuit, le jour, les couleurs, les mots qui s'enchaînent et qui forment des phrases. Sensation sublime. Et puis il y a aussi l'histoire, forcement passionnante. L'histoire d'un navire russe qui s'échoue en plein Istambul par la faute d'un capitaine alcoolique dont le juron favori est "Par les parties sexuelles de Staline !" Magnifique ! Génial !
Ensuite, pour faire monter la sauce, les états unis envoient leur super-espion enquêter. Mike Trent. Un type qu'il a deux prénoms. Alors, bon, comme il a que ça à faire, ben, il enquête un peu. Voila. 215 pages durant. On sait pas trop comment l'appeler. Mike. Ou Trent. Même l'auteur hésite. C'est dire. Bon, à part ça, il se bagarre. Mais ça tourne mal alors il est fait prisonnier. Puis il s'échappe. Et se re-fout sur la tronche avec des bonhommes patibulaires. Et se refait faire prisonnier. Et ainsi de suite...
Comme pour A Nous Deux Toubib, 3 Espions Sur Un Bateau est écrit gros et saute beaucoup de lignes mais ça n'aide pas. Faut donc lui filer un petit coup de main de temps à autres. Tourner 3 pages au lieu d'une, par exemple. Vous pouvez aussi essayer le saut complet de chapitre, c'est pas mal, ça fait gagner du temps.
Quant à Claude Stephen, il fait de temps à autre quelques tentatives humoristiques et soutient son effort par une lexicalité légèrement argotique, cherchant par là même à atteindre l'énergie de la littérature polardeuse swing. Manque de pot, ça ne rend l'ensemble que plus pénible. N'est pas traducteur à la Série Noire qui veut.
Bref, ce fut long et ce fut douloureux. Dans sa préface, Eric Dornes conclu en écrivant : "Je suis persuadé que Claude Stephen sera un jour au roman d'espionnage ce que sont maintenant Johnny Hallyday et Claude François à la chanson moderne." Dix ans plus tard, Claude Stephen se retrouvait à pondre du porno pour le compte des éditions Euredif.
Faudra tout de même aller vérifier si l'écriture s'est améliorée...
...on sait jamais.
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