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LA VARIOLE ROUGE, DAVID ROME
FLEUVE NOIR / SCUM # 1, 1986

En matière de testostérone littéraire, je ne connais rien de plus viril qu'un roman de Joël Houssin période Fleuve Noir et (pour continuer dans ce registre) en matière de Joël Houssin, il n'existe rien de plus dopé aux stéroïdes que ses six romans d'action signés David Rome, parus au Fleuve Noir entre 86 et 88 et mettant en scène le groupuscule politiquement malpoli du S.C.U.M., le Special Commando Unlimited Mission (vive les acronymes rigolos !), "le commando le plus cher, le plus redoutable et le moins contrôlé de toutes les unités anti-terroriste," soit une belle brochette d'affreux, de barbouzes ultraviolentes et de francs tireurs déjantés, tous foncièrement sans foi ni loi et n'hésitant devant aucune outrance, aucune saloperie, aucun carnage pour atteindre leurs buts.
"Ils ont le vice et la pourriture dans la peau" balance la quatrième de couverture de La Variole Rouge, premier (et meilleur) tome de la série, à la fois roman d'action ultime opposant le S.C.U.M. à une bande de néo-nazis et super-générique de 200 pages permettant à Houssin de présenter en overdrive puissance maximum, pied au plancher et cheveux au vent, la quasi-intégralité de son casting d'enflures internationales.

Tout d'abord : le lieutenant-colonel Fairfax, sniffeur de chnouf et amateur de "jeunes éphèbes," dandy désabusé servant d'intermédiaire entre le S.C.U.M. et les divers agences gouvernementales susceptibles d'en acheter les services.
Ensuite, notre héros : Mark Ross, chef du S.C.U.M.
, ancien polytechnicien devenu acteur de théâtre porno le week-end et exterminateur ramboïde la semaine. Combinaison aussi stupide que jouissive.
S.C.U.M. fleure bon le mauvais goût années 80. On imagine les coiffures peroxydées des figurants, les cascades d'arpèges synthétiques, les voitures de sport grand-luxe qui explosent, les scènettes porno en papier glacé. On imagine une illustration de Melki et le reste du groupe est à l'avenant. Psychologie de film d'action et caractères grossièrement taillés dans la masse, façon garçon-boucher de la fiction pour mecs.

On y trouve Laeticia Vecci, l'espionne nymphomane ("alors salope, [...] toujours le feu au cul ?") et Tran Phan Thi, l'assassin vietnamien super-silencieux.
On y trouve aussi un hooligan nazillon amateur de rif' dans les stades, les frangins Sig Sauer - flingueurs sauvages debarquant assez tardivement dans ce volume ("à eux deux, ils développaient à peu près la puissance de feu d'un bombardier lourd") - et Kevin Sarto dit l'empalmeur, joueur de carte châtré par des arabes et leur vouant une haine féroce.
D'ailleurs, pour persuader ce dernier à venir bosser pour le S.C.U.M., Mark Ross lui déclare, p. 53 : "si tu travailles avec moi, j' te promets qu'on ira casser du raton. Un jour ou l'autre..."

Andrevon, qui considérait déjà Blue comme un roman à l'idéologie douteuse, a dû s'étrangler en lisant ça. On peut comprendre. Houssin maquillé en David Rome, ce n'est pas pour les engourdis du palpitant. Ni pour les caves qui peinent à lire entre les lignes
("en littérature, on a des scrupules à faire parler les personnages avec des termes injurieux tels que 'bougnoule'. On [en] arrive à lisser les textes, les scénarios, à s'auto-censurer, et cette politique n'a jamais fait flechir quoi que ce soit." entretient avec Joël Houssin, Bifrost # 52, 2008.)


Pour le reste, le bouquin fonctionne comme un jeu d'arcade - forme narrative simple et vigoureuse déjà employé par notre auteur sur certains de ces Anticipation, sublimé avec Game-Over et à l'urgence exacerbée par une situation de crise alarmante.
Ainsi, dans La Variole Rouge, les gars du S.C.U.M. ont trois terroristes à neutraliser avant qu'un virus mortel ne se répande sur l'Europe. Le niveau de difficulté augmente de chapitre en chapitre et chaque terroriste peut faire office de boss de fin de niveau - le dernier étant bien entendu le plus redoutable.

Comme toujours chez Houssin, le rythme est implacable et le phrasé, nerveux et tranchant, se trouve légèrement mâtiné d'un argot rappelant la sècheresse et la noirceur d'Auguste Le Breton.
D'ailleurs, si le Doberman, l'autre série à succès de Houssin, refaisait Du Rififi Chez Les Hommes à la sauce Jacques Mesrine sous-amphet', S.C.U.M. peut être considéré comme une version sauvagement burnée de SAS, lancé à toute berzingue sur l'autoroute du feuilleton machiste et télescopant dans sa course folle toute la cohorte des déficients mentaux sur-armés, sur-musclés, sur-couillus que l'industrie du divertissement littéraire et cinématographique produisait par centaine à l'époque.
Le résultat est d'autant plus exceptionnel qu'aucune autre série d'action ne lui arrive à la cheville.

S.C.U.M. va vite, très vite. Si vite qu'il ferait même passer Don Pendleton et ses suiveurs pour de minables scribouillards de romances pour vieilles filles. Cela n'a rien d'étonnant. Il s'agit d'une production Joël Houssin, l'homme pour qui il n'était jamais trop tard pour aller trop loin.
Avec La Variole Rouge (tout comme avec son deuxième Gore et ses cinq autres S.C.U.M.), il est d'ailleurs allé si loin dans la littérature populaire qui claque et qui fonce que personne ne peut espérer un jour le rattraper.
Avis aux amateurs.

2 commentaires:

Zaïtchick a dit…

Franchement, je ne raffole pas de Joël Houssin - le personnage me débecquette mais les couvertures de Melki sont superbes.

ROBO32.EXE a dit…

Ah ? Et pourquoi donc (si ce n'est pas indiscret) ?

(Mais, par contre, vi, vi, vi, les couv' de Melki pour SCUM sont d'enfer !)