DE LA DROGUE, DES GROS FLINGUES ET DES NANAS

LA LISTE ROUGE, ROBERT HAWKES
ALLER SIMPLE POUR CHINATOWN, ROBERT HAWKES
PRESSES DE LA CITÉ / NARC # 3 & 6, 1975

Tout comme les S.C.U.M. de David Rome, présentés par Paul Kenny histoire de rassurer l'acheteur, les Narc de Robert Hawkes, série américaine importée en 1975 par les Presses de la Cité, furent labellisés (et sous toutes les coutures : couv', 4eme de couv', pages intérieures) en "Sélection Bruce". On y retrouvait même Josette, veuve éplorée reconvertie en paravent pour écrivains anonymes, et qui nous y affirmait vigoureusement :
"Vous aimez OSS 117 ? Alors vous aimerez Narc !"
...ce qui, en soi, n'est pas tout à fait exact...


Car John Bolt, le héros de la série Narc, n'a pas grand chose à voir avec notre Hubert Bonisseur national. Agent du bureau des Narcotiques section D-3 (pour Département des Drogues Dangereuses - possiblement un pléonasme, faudrait en discuter avec Timothy Leary...), John Bolt ressemble bien plus à l'accouplement ultra-viril entre Dirty Harry et Charles Bronson qu'à un avatar sexy et twist de Pierre Nord.
John Bolt, pour t'en faire sa présentation du mieux que je le peux, c'est un gars qui ne parle (presque) pas, qui considère tous les politiciens comme de sales enflures arrivistes qu'il faudra bien un jour ou l'autre exterminer et qui, dans la masse des héros machos de la littérature pour mecs des années 70 et 80, ne se distingue que par deux petites caractéristiques : une cicatrice barre son front en diagonale et son arme favorite est un colt .45 ACP Commander, "un automatique d'une telle puissance qu'il suffit d'une balle tirée dans n'importe quelle partie du corps pour mettre un homme hors combat"
En gros, il te tire dans la jambe, il te l'arrache.


Et ça résume plutôt bien la série. Ici, on va pas chercher midi à quatorze heure. Ou alors, on fait péter quatorze heure et la question est réglée.
Narc, c'est du 160 pages sans fioriture ni suspense. Il y a un méchant, qui fait des saloperies, et il y a John Bolt qui, 20 chapitres durant, va chercher à l'exterminer. A la fin, forcement, il y arrive. Entre temps, pour ne point faire tartir le lectorat, il y a des hommes de mains qui se font vilainement éclater leurs 36 points d'articulations respectifs, geysers de sangs, morceaux d'os et de cervelles qui éclatent, se dégorgent, se déversent et se répandent sur les murs des quartiers chauds des villes américaines, décors imposé par le genre.

Parfois, bien entendu, ça se passe aussi à l'extérieur des états unis, comme dans La Liste Rouge, troisième volume de la série, un épisode qui nous présente, quelques chapitres durant, un Paris peuplé de truands corses pédérastes. Mais où vont-ils donc chercher tout ça ? Peu importe. Les pauvres bougres ne font pas long feu. John Bolt les explose en deux paragraphes montre en main et le reste du roman patine entre romance mal digérée et pulp endormi.

Du coup, on préfère Narc lorsqu'il se cantonne au territoire de l'oncle Sam, comme dans Aller Simple Pour Chinatown, sixieme épisode, plutôt bien foutu par ailleurs et dans lequel Bolt fait face à une bande (mal) organisée de chinetoques fondus de kung-fu, d'opium et d'explosifs et qui acheminent en territoire américain de l'espion maoïste (pour le compte du gouvernement US libéral) et de la drogue discount (pour la mafia ritale). La confrontation donnera lieu à une suite quasi-effrénée de fusillades et d'explosions façon l'Exécuteur mais n'empêchera pas non plus notre fier vengeur moderne de se poser quelques sérieuses questions quant à sa vie de baroudeur extreme dans un beau monologue intérieur à la troisième personne du singulier, petit bijou d'introspection musclée que je me permets de vous citer :
"Devait-il rester au Département ? Devait-il continuer à se faire tirer dessus et à plonger dans cette boue puante qu'était le monde de la drogue ? Ne valait-il mieux pas laisser tomber, prendre une femme, comme tout le monde, se trouver un petit travail tranquille et jouir en paix de ce qui lui restait de sa jeunesse ? Il frissonna. Une fois de plus, la réponse était non. Le jour où il se recaserait, ce serait pour ouvrir un hôtel dans une station de sport d'hivers, en association avec une nymphomane."
Comme quoi, ce n'est pas parce qu'on est foutrement viril qu'on ne se pose pas non plus quelques questions existentielles.

2 commentaires:

losfeld a dit…

la mise en bouche tient ses promesses

ROBO32.EXE a dit…

et t'as encore rien vu !