LES SOVIETS ET LES NAZIS DE CHEZ GERFAUT

LA BARRIÈRE DE FEU, ANTON SEDOFF
GERFAUT / GUERRE # 312, 1977

Une jolie pépée à mitraillette orne la couverture. D'emblée, ça donne envie. Quasi-dépoitraillée et redoutablement armée.
Je sais pas toi mais moi, je bave sec. Ce type d'imagerie, ça a toujours eu le don de faire s'activer mes glandes salivaires.
Le texte, par contre, est plus frustre. On y trouve d'ailleurs aucune nymphette à étoile rouge. C'est triste mais je ne vais pas hurler à l'arnaque car, tout le long de ses 212 pages, La Barrière de Feu s'affirme comme une lecture fort agréable - double conséquence d'une intrigue et d'un traitement simple mais efficace.

Je résume : En pleine débâcle sur le front russe, six soldats soviétiques, 5 gugusses et une nana, se font passer pour des officiers allemands et rejoignent les lignes nazies en vue d'espionner l'ennemi de l'intérieur.
L'essentiel du roman se déroule donc dans un QG souterrain de la Wehrmacht. Nos 6 soviets masqués s'y intègrent sans accroc mais leur stratagème est rapidement éventé par un implacable oberstumfuhrer SS et voila alors nos braves héros du peuple livrés à eux-mêmes au milieu des loups.
A partir de cet instant, le roman tourne vaguement en rond, patauge un peu. Le décor est foncièrement exigu (un ascenseur, un mess d'officier, beaucoup de couloirs) et l'auteur peine à y développer à la fois ses personnages, leurs actions et son intrigue.
Heureusement, le format est court et l'ensemble rue brutalement sur les 50 dernières pages, à grand coup d'explosions et de fusillades.
Nettoyage par le feu et, au final, un bilan plutôt positif : ça se lit vite, c'est ultra-rudimentaire et c'est aussi satisfaisant qu'un film de guerre italien à petit budget.
Sommaire mais solide, en quelque sorte.
Et puis, tout de même, on ne va pas cracher sur une histoire de soldats russes déguisés en soldats nazis, dézinguant du soldat nazi dans un bunker nazi, le tout bien emballé par une poupée pulmonée et rudement armée, non ?


"NADIOUSKA", HANS KLÜBER
GERFAUT / GUERRE # 323, 1977

Reprenons notre sérieux.
Contrairement au roman précèdent, modeste (mais appétissant) forfait alimentaire, ce Gerfaut-là a du style. Un peu trop appuyé sur le pathos, peut être, mais du style tout de même.
En fait, "Nadiouska", de par sa construction et son écriture, semble presque transposer, sur une trame typique du récit de guerre, les formules hardboiled américaines des années 30 / 40.

Ainsi, dans le Berlin de l'après guerre, ville de cendres et de ruines, un homme, Karl Drummer, ancien officier de la Wahrmacht, traine ses haillons, hanté par le souvenir d'une femme et le désir d'une vengeance.
"Il avait couvé la haine si longtemps, qu'elle était devenue comme une deuxième nature chez lui, une sorte de drogue dont il n'aurait pu supporter le manque une seule minute. elle était là, lovée dans les fibres de son corps squelettique, fondue dans son épouvantable maigreur..."
La suite alterne, dans la plus pure tradition du roman noir, les séquences au présent (vagabondage dans Berlin, rencontre avec de vieilles connaissances) et les longs flashbacks d'une mission en Russie, durant l'hiver de 1941/42. Les deux fils temporels se répondent, s'entrecroisent et, peu à peu, s'éclaircissent mutuellement.
La formule est classique mais fonctionne. Logique.
Par contre, la seconde moitié du récit (une traque dans les bois enneigés de la Russie) manque du souffle épique de la littérature d'action, la confrontation finale est extrêmement prévisible et l'exécution de certaines scènes, par trop lacrymales ou faciles, laisse à désirer.
Néanmoins, et malgré ses nombreux defauts, "Nadiouska" reste un récit Gerfaut de très bonne facture, surprenant dans le style et largement au dessus du standard habituel de la collection.
Pour établir une comparaison oiseuse (mais, oh, je fais ce que je veux sur mon blog), "Nadiouska," c'est le Pendez-Moi Haut et Court de Geoffrey Homes, réécrit à la manière de Sven Hassel et simplifié pour les besoins d'une collection de gare bas de gamme.


FILS D'ARYENS, FRIEDRICH SOFFKER
GERFAUT / GUERRE # 366, 1980

Celui-là, par contre, je n'aurai pas grand chose à en dire.
Pour synthetiser le truc en deux coups de cuillère à pot, Fils D'Aryens, c'est l'histoire d'un super-SS ultra-fanatique qui se révèle être bon à rien (en trois mots, pas en deux) et cela, par la faute de sa mère, respectable bourgeoise de haute lignée allemande mais qui, deux décennies plus tôt, avait couché avec un petit saligaud d'épicier juif.
Fils D'Aryens, c'est donc l'histoire poignante et renversante de ce super-SS ultra-fanatique qui découvre un jour qu'il n'est pas totalement aryen mais plutôt juif à 50 % et qui, du coup, en vient à s'auto-détester et fini suicidaire-kamikaze pour l'honneur du Reich.
En bref, c'est grotesque mais, étonnamment, ce n'est pas si mal écrit.
Normal, diront les spécialistes.
Friedrich Soffker, c'est un pseudonyme de Gilles Maurice Poulain - un gars qui, question littérature de gare bien envoyée, connait son affaire sur le bout des doigts.

Malheureusement, et en dépit de tout le talent de son auteur, le bouquin ne décolle jamais vraiment. Le rythme est bon mais l'histoire s'enferre constamment dans sa volonté de faire chialer le lectorat...
D'une certaine manière, c'est là que réside le gros problème des productions Gerfaut Guerre signées Gilles Maurice Poulain : on a parfois l'impression de lire du Delly transposé sur les fronts de la seconde guerre mondiale.
Et ce coup-ci, pour mézigue et son petit cœur de baroudeur en fond de rayonnages, le résultat ne fut pas très folichon.
Surtout après "Nadiouska."
Ben oui, tu me connais. Les sentiments, c'est bien mais à répétition, ça me gonfle.

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