LE DAUPHIN PARLE TROP, GEORGE LANGELAAN
CLUB MÉDITERRANÉE, GEORGE LANGELAAN
ROBERT LAFFONT / AGENT SECRET # 13 & 34, 1964/65
Un sacré personnage, ce George Langelann ! Agent secret anglais puis homme de lettres français, l'amateur de culture populaire le connait sans le savoir pour sa nouvelle de SF post-kafkaïenne La Mouche, plusieurs fois adapté au cinéma.
Proche d'Aleister Crowley et passionné de ces faits maudits chers à l'équipe de Planète, il s'essaya à de nombreuses choses mais sa formation d'origine le rattrapa constamment.
Début 50, il écrit ainsi ses mémoires d'agent secret (Un Nommé Langdon) puis, en 1964, suivant la tendance du moment, lance la collection d'espionnage des éditions Robert Laffont.
Sur sa vignette, en quatrième de couverture, il fume la pipe, comme Pierre Nord, mais s'adjoint une perruche sur l'épaule - emblème de la collection et fantaisie personnelle.
L'homme est un original. Il traque le fantôme dans des manoirs et tape en français des romans d'action à l'anglaise, donnant au genre 8 bouquins, tous publiés dans sa collection à Perruche, tous mettant en scène son fameux couple d'espions : Sandy Grant et Grenat de Foncines, les muscles et la tête, l'anglais chien fou et le gentilhomme français.
Duo conventionnel mais compétent. Le charme opère, même lorsque Langelaan bâcle ses récits en mode alimentaire.
Par exemple, dans Club Méditerranée, le binôme est envoyé en Sicile. C'est leur dernière aventure publiée et le roman repose sur un suspense que le texte de couverture révèle sans détour. "Une capsule spatiale s'égare et les agents secrets des cinq parties du monde plongent..."
Voila qui est fâcheux. Le mystère des 120 premières pages est éventé bien avant l'ouverture du bouquin. Et inutile de compter sur l'action pour rattraper cette bourde.
Sans bagarre ni fusillade, Club Méditerranée porte bien son nom. C'est de l'espionnage de camp de vacances. On notera tout de même une séance de torture ridicule inspirée par les ateliers de poterie du dimanche et une histoire d'amour guimauve aux accents de slow langoureux.
Néanmoins, si il donne (comme beaucoup d'auteurs français) dans la sobriété des petites ambitions, Langelaan s'en sort tout de même assez bien. On est ni ébahi ni esbaudi mais l'on reste agréablement distrait, dans tous les sens du terme, par ce récit fort appliqué.
Un bouquin de villégiature, en quelque sorte, parfaitement combinable avec une chaise longue sous les fesses et un panama sur le crâne.
Le suspense fonctionne par contre quasi-parfaitement dans Le Dauphin Parle Trop, troisième aventure du duo. Le texte de couverture et le résumé de quatrième en disent juste assez pour appâter le lecteur et le roman démarre sur les chapeaux de roue.
Un agent secret atrocement mutilé est découvert inanimé en plein désert saharien. Sandy et Grenat enquêtent à Gibraltar puis à Tanger. Ils ne savent pas après quoi ils courent et ne possèdent qu'un seul indice, un nom de code : le Dauphin.
Ne se départissant pas de leur flegme naturel, nos héros décodent alors des séries de messages secrets improbables, enchainent des parties d'échecs aux mouvements équivoques, démasquent des agents doubles qui se révèlent en fait être triples. C'est la farandole de l'espionnage à l'anglaise, avec ses petites règles et ses codes occultes.
Le clou du spectacle est atteint chapitre 10, lorsque Sandy découvre à ses dépends, dans un laboratoire secret, la signification réelle du mot Dauphin.
On s'en doutait un peu mais le passage, aussi nerveux qu'horrifiant, subjugue. Langelaan y retrouve sa grande passion pour le fantastique légèrement teinté de science-fiction.
Malheureusement, après ce froid coup d'éclat, l'auteur s'enfonce irrémédiablement dans la semoule de son intrigue. Le sprint des 60 dernières pages devient chaotique. Le roman peine à se conclure proprement - la faute à un méchant peu convainquant, doté d'intentions nébuleuses et accompagné d'une assistante aussi fleur bleue qu'un bouquin de chez Delly. Cette dernière se fait d'ailleurs traiter à tout bout de champs de " salope ! " par nos héros (!!!) avant de connaitre, entre leurs mains, une mort injustifiée.
C'est con. Plombé par un final expéditif, Le Dauphin Parle Trop s'effondre. L'équilibre était déjà instable et le charme suranné n'agit plus.
Mais qu'importe. Car si Langelaan œuvre un peu trop souvent dans la demi-teinte, ses romans d'espionnage méritent d'être (re)découvert, ne serait-ce que pour leur aspect unique : on a parfois l'impression de lire Frank Gruber rewrittant du John Le Carré d'après une idée scientifique de Jacques Bergier.
L'originalité, même défectueuse, se doit d'être soulignée.
Et soutenue.
CLUB MÉDITERRANÉE, GEORGE LANGELAAN
ROBERT LAFFONT / AGENT SECRET # 13 & 34, 1964/65
Un sacré personnage, ce George Langelann ! Agent secret anglais puis homme de lettres français, l'amateur de culture populaire le connait sans le savoir pour sa nouvelle de SF post-kafkaïenne La Mouche, plusieurs fois adapté au cinéma.
Proche d'Aleister Crowley et passionné de ces faits maudits chers à l'équipe de Planète, il s'essaya à de nombreuses choses mais sa formation d'origine le rattrapa constamment.
Début 50, il écrit ainsi ses mémoires d'agent secret (Un Nommé Langdon) puis, en 1964, suivant la tendance du moment, lance la collection d'espionnage des éditions Robert Laffont.
Sur sa vignette, en quatrième de couverture, il fume la pipe, comme Pierre Nord, mais s'adjoint une perruche sur l'épaule - emblème de la collection et fantaisie personnelle.
L'homme est un original. Il traque le fantôme dans des manoirs et tape en français des romans d'action à l'anglaise, donnant au genre 8 bouquins, tous publiés dans sa collection à Perruche, tous mettant en scène son fameux couple d'espions : Sandy Grant et Grenat de Foncines, les muscles et la tête, l'anglais chien fou et le gentilhomme français.
Duo conventionnel mais compétent. Le charme opère, même lorsque Langelaan bâcle ses récits en mode alimentaire.
Par exemple, dans Club Méditerranée, le binôme est envoyé en Sicile. C'est leur dernière aventure publiée et le roman repose sur un suspense que le texte de couverture révèle sans détour. "Une capsule spatiale s'égare et les agents secrets des cinq parties du monde plongent..."
Voila qui est fâcheux. Le mystère des 120 premières pages est éventé bien avant l'ouverture du bouquin. Et inutile de compter sur l'action pour rattraper cette bourde.
Sans bagarre ni fusillade, Club Méditerranée porte bien son nom. C'est de l'espionnage de camp de vacances. On notera tout de même une séance de torture ridicule inspirée par les ateliers de poterie du dimanche et une histoire d'amour guimauve aux accents de slow langoureux.
Néanmoins, si il donne (comme beaucoup d'auteurs français) dans la sobriété des petites ambitions, Langelaan s'en sort tout de même assez bien. On est ni ébahi ni esbaudi mais l'on reste agréablement distrait, dans tous les sens du terme, par ce récit fort appliqué.
Un bouquin de villégiature, en quelque sorte, parfaitement combinable avec une chaise longue sous les fesses et un panama sur le crâne.
Le suspense fonctionne par contre quasi-parfaitement dans Le Dauphin Parle Trop, troisième aventure du duo. Le texte de couverture et le résumé de quatrième en disent juste assez pour appâter le lecteur et le roman démarre sur les chapeaux de roue.
Un agent secret atrocement mutilé est découvert inanimé en plein désert saharien. Sandy et Grenat enquêtent à Gibraltar puis à Tanger. Ils ne savent pas après quoi ils courent et ne possèdent qu'un seul indice, un nom de code : le Dauphin.
Ne se départissant pas de leur flegme naturel, nos héros décodent alors des séries de messages secrets improbables, enchainent des parties d'échecs aux mouvements équivoques, démasquent des agents doubles qui se révèlent en fait être triples. C'est la farandole de l'espionnage à l'anglaise, avec ses petites règles et ses codes occultes.
Le clou du spectacle est atteint chapitre 10, lorsque Sandy découvre à ses dépends, dans un laboratoire secret, la signification réelle du mot Dauphin.
On s'en doutait un peu mais le passage, aussi nerveux qu'horrifiant, subjugue. Langelaan y retrouve sa grande passion pour le fantastique légèrement teinté de science-fiction.
Malheureusement, après ce froid coup d'éclat, l'auteur s'enfonce irrémédiablement dans la semoule de son intrigue. Le sprint des 60 dernières pages devient chaotique. Le roman peine à se conclure proprement - la faute à un méchant peu convainquant, doté d'intentions nébuleuses et accompagné d'une assistante aussi fleur bleue qu'un bouquin de chez Delly. Cette dernière se fait d'ailleurs traiter à tout bout de champs de " salope ! " par nos héros (!!!) avant de connaitre, entre leurs mains, une mort injustifiée.
C'est con. Plombé par un final expéditif, Le Dauphin Parle Trop s'effondre. L'équilibre était déjà instable et le charme suranné n'agit plus.
Mais qu'importe. Car si Langelaan œuvre un peu trop souvent dans la demi-teinte, ses romans d'espionnage méritent d'être (re)découvert, ne serait-ce que pour leur aspect unique : on a parfois l'impression de lire Frank Gruber rewrittant du John Le Carré d'après une idée scientifique de Jacques Bergier.
L'originalité, même défectueuse, se doit d'être soulignée.
Et soutenue.
11 commentaires:
Un bien singulier personnage, merci pour la découverte.
Flirter avec le mélange des genres peut donner des œuvres intéressantes. Merci pour le message.
c'est aussi ce que j'aime dans la litt' pop' de cette époque : on y trouve tout type de personnage.
de l'intello, du militaire, du poète, du qui-paye-pas-de-mine, du qui-se-la-raconte, du très connu inconito sous pseudo, du scientifique en vacances, du revendicateur en tout genre, du eco-féministe, du gaucho branque, du facho fou, du franc-tireur, du situ, du touriste, du prix nobel, du tireur à la ligne et puis aussi de l'espion occultiste à la carrière délirante.
sinon, on me chuchote dans l'oreillette qu'il ne s'agit pas d'une perruche (sur son épaule) mais très possiblement d'un amazone.
si il y a des spécialistes dans la salle... ça m'intéresse !
Soyons sérieux jeunes gens, il s'agit d'un perroquet (d'Amazonie en effet)qui se nommait selon les sources Toto ou Pancho.
A l'avenir, ne réveillez pas un perroquet qui dort pour de telles vétilles, svp.
merci Bib' pour ces précisions...
et je ne recommencerai plus, c'est promis !
Par contre, l'identité précise de la pipe (a-pe-lula ?) reste inconnue…
…Et oui, je sors…
la pipe s'appelait Line. Oui. C'était bien la pipe Line.
Elle eusse aussi s'appeler Lara*… Parce que…
Aha… aha… aha… aha…
Pouf, pouf.
Observons deux papillons…
Si.
Hop !
*Qui ne rit pas, bien sûr.
...j'ai po compris...
:(
De cet auteur, il faut surtout lire ses "Nouvelles de l'anti-monde" aux éditions Marabout. Une merveille.
jamais lu mais c'est sur ma liste ;)
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