DES FEMMES DISPARAISSENT... (1959)

C'était la grosse sensation de l'après-guerre. Des femmes qui disparaissent, comme ça, sans prévenir, dans la nuit, pffiiut ! On les appâte puis on les enlève.
On appelait ça la traite des Blanches.
Les journaux coquins l'étalaient en larges manchettes, les concierges en faisaient des gorges chaudes et les écrivains populaires en tiraient des bouquins qu'on foutait ensuite sur péloche.
Du roman de gare au cinéma de quartier, avec au bout la perspective du parfait petit drame égrillard. Madame tremble et monsieur bande, en toute décence. Il a la cervelle en ébullition, farcie d'images choucardes.

Car des femmes qui disparaissent, ce n'est pas gratuit. Il y a un but derrière tout ça. Si on kidnappe la femme blanche, c'est pour l'envoyer turbiner du popotin chez les métèques.
Un claque à Caracas ou un harem d'émir barbare.
La pampa d’Amérique latine ou les mille-et-une nuit orientales.
En quelque sorte, c'est le fait divers ultime, qui caracole jusqu'à exploser en rumeur d'Orlean.
Un matériau de choix pour broder en sexy-noir.
Molinaro ne s'y trompe d'ailleurs pas. En adaptant le bouquin éponyme de G. Morris-Dumoulin pour son deuxième long métrage, il tape dans le mille de la série B ravageuse.
Luxure et violence.
Forcement.
Dumoulin avait débuté en traduisant les hardboiled de ce sacré roublard de Mickey Spillane. Du coup, les ficelles pour usiner de l'intense et du pas banal en raclant les fonds des tiroirs à fantasmes de nos binettes pas nettes, il connait.

Son scénario en use complaisamment - le carton d'introduction donne le ton - mais sans pour autant tomber dans le crasseux à la petite semaine, sans non plus forcer la production a dépasser un budget qu'on imagine modeste.

Pas de sous-marin rapteur au fond de la Loire, pas de cabines d'essayages truquées, dans ces Femmes qui Disparaissent.
Juste un gang de marlous mondains, sinistres comme tes voisins de paliers.

C'est d'ailleurs l'un des grands atouts du film : l'économie de ses moyens.
Trois maigres ruelles et une villa isolée en rase campagne. Point A et point B entre lesquels intrigue et personnages vont et viennent pour mieux se confronter. D'abord, Robert Hossein, en jeune prolo au regard fiévreux qui cherche à arracher sa dulcinée des griffes des salingues.
Ensuite, Philippe Clay, homme de main pince-sans-rire mastiquant inlassablement sa gomme et réglant les affaires courantes de manière expéditive.
Entre les deux, le cœur du sujet.
Les corps dénudés des nénettes enlevées et séquestrées dans la villa.
Magali Noël, en bas-nylons et porte-jarretelles, se fait corriger à coups de règle par son affreux jojo de mari. Certainement le prix à payer pour avoir interprété le Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny de Boris Vian.
Plus loin, Estella Blain manque de se faire dépoitrailler par le chef de la bande. Un téton apparait furtivement. Monsieur est aux anges, le cahier des charges est parfaitement respecté. Forte concentration de pugilats musclés, bribes de chairs exhibées et gros morceaux de suspense enlevé. L'ensemble est parfait de bout en bout, sec et nerveux, inquiétant comme ces percussions introduisant le thème Hard Bop d'Art Blakey et de ses Jazz Messengers.
Disons le simplement : ces femmes qui disparaissent, c'est la crème du divertissement racoleur.

6 commentaires:

Pop9 a dit…

Jamais vu, nom d'une pipe.

Zaïtchick a dit…

Moi non plus.
Philippe Clay a vraiment une bobine inquiétante.
D'ailleurs, le film est un bobine inquiétante. ^^

Anonyme a dit…

Le générique et la musique d'Art Blakey sur Youtube
Des femmes disparaissent

ROBO32.EXE a dit…

Merci cher Anonyme pour ce lien, je m'en vais l’intégrer illico au billet.

Zaït' : la bobine de Philippe Clay, c'est tout un poème !

Major Dundee a dit…

Ben moi, j'aime bien R. Hossein, j'aime bien P. Clay, M. Noël et E. Blain et même Molinaro... donc je suis ravi. Ah j'oubliais : j'adore Art Blakey, c'était vraiment un film fait pour moi !

Pop9 a dit…

Enfin vu,nom d'une pipe.
C'est pas mal, nom d'une pipe.
Et votre analyse est fort pertinente, m'sieur Robo.