ET PUIS LES CHIENS PARLAIENT..., KÂÂ
FLEUVE NOIR / SF MYSTERE, 1998
Comme bouquin, c'est plutôt furieux. Ou dément. Difficile de choisir entre ces deux adjectifs que Pascal Marignac, dit Kââ, dit Corsélien, dit Béhémoth, affectionnait particulièrement. Affirmons donc que la chose est, comme à son habitude, furieusement démente et démentiellement furieuse – la surenchère adverboadjectivesque (tu permets ?) étant également l'une des marques de fabrique de cet auteur aussi inclassable que ses intrigues qui sinuent entre zones sombres et monts hallucinés, puis s'insinuent là, en plein dans la faille.
Pour ce roman, écrit en 1995 et probablement destiné à paraître dans la collec' Aventures & Mystères du Fleuve Noir (mais finalement publié 3 années plus tard dans la remplaçante d'Anticipation), un étudiant en psycho-physiologie animale se retrouve avec une île paumée dans l'océan pacifique en guise d'héritage - occurrence pour le moins inattendue et franchement saugrenue.
Marignac bâtissant ses romans sur un même schéma (déni - pulsion - fascination), notre héros traîne ainsi ses guêtres sous une mince pluie bretonne (on pense alors au cadre à demi-fou du Voyage au bout du jour), vomi minablement quelques uns de ses repas (la faute à une consommation excessive de vin blanc), se fait pourchasser par une bande de malades mentaux misanthropes (cauchemardesque chapitre 3) et confesse régulièrement ne pas comprendre grand chose à ce qui lui arrive.
« Pfouhh. Quel fatras, non mais quel fatras, vraiment » nous avoue-t-il en page 40. Puis, un peu plus loin : « J'étais embarqué dans une franche histoire de cinglés complets. »
Marignac bâtissant ses romans sur un même schéma (déni - pulsion - fascination), notre héros traîne ainsi ses guêtres sous une mince pluie bretonne (on pense alors au cadre à demi-fou du Voyage au bout du jour), vomi minablement quelques uns de ses repas (la faute à une consommation excessive de vin blanc), se fait pourchasser par une bande de malades mentaux misanthropes (cauchemardesque chapitre 3) et confesse régulièrement ne pas comprendre grand chose à ce qui lui arrive.
« Pfouhh. Quel fatras, non mais quel fatras, vraiment » nous avoue-t-il en page 40. Puis, un peu plus loin : « J'étais embarqué dans une franche histoire de cinglés complets. »
Finalement, il s'y rend, sur son île, tente d'en éclaircir le mystère. Surtout, il y rejoue Robinson Crusoé avec, dans les pattes, un Vendredi d'occasion.
Pour Marignac, intervient alors l'opportunité de déballer tout un arsenal à fictions tordues. Gaz sarin, vestiges de guerre (dont un porte avion échoué sur une plage), secte d'allumés vénérant le Soleil Noir, expérimentations animales (dinguerie totale à laquelle le titre du bouquin nous préparait déjà : des chiens qui causent avec un "accent canidé") et un colonel de l'Armée Impériale Japonaise n'ayant jamais capitulé, à la manière d'Hiro Onoda.
Là réside une des grandes forces de l'auteur : nous rendre sympathique un vieux salaud – notre colonel ayant, de son propre aveux, participé au Viol de Nankin – « Oui, j'en étais. J'en étais. Vilaine période, voyez-vous ? » On voit. On voit aussi Marignac – encore, toujours – nous refaire le coup, avec son savoir-faire coutumier, de cette « horreur calme, douce et endormie » qu'est la réalité, de la folie engendrant d'inextinguibles rires et de nébuleuses motivations et du tandem de flegmatiques sociopathes montant un siège dans l'attente d'implacables et forts sinistres adversaires. Ça fonctionne, encore, toujours. C'était son ultime roman. Il ne démérite pas, bien au contraire. Je me répète une dernière fois, tout cela est furieusement dément, démentiellement furieux, et dans le genre, non, on n'a pas fait mieux.
Pour Marignac, intervient alors l'opportunité de déballer tout un arsenal à fictions tordues. Gaz sarin, vestiges de guerre (dont un porte avion échoué sur une plage), secte d'allumés vénérant le Soleil Noir, expérimentations animales (dinguerie totale à laquelle le titre du bouquin nous préparait déjà : des chiens qui causent avec un "accent canidé") et un colonel de l'Armée Impériale Japonaise n'ayant jamais capitulé, à la manière d'Hiro Onoda.
Là réside une des grandes forces de l'auteur : nous rendre sympathique un vieux salaud – notre colonel ayant, de son propre aveux, participé au Viol de Nankin – « Oui, j'en étais. J'en étais. Vilaine période, voyez-vous ? » On voit. On voit aussi Marignac – encore, toujours – nous refaire le coup, avec son savoir-faire coutumier, de cette « horreur calme, douce et endormie » qu'est la réalité, de la folie engendrant d'inextinguibles rires et de nébuleuses motivations et du tandem de flegmatiques sociopathes montant un siège dans l'attente d'implacables et forts sinistres adversaires. Ça fonctionne, encore, toujours. C'était son ultime roman. Il ne démérite pas, bien au contraire. Je me répète une dernière fois, tout cela est furieusement dément, démentiellement furieux, et dans le genre, non, on n'a pas fait mieux.
6 commentaires:
Adverboadjectivesque, on permet volontiers, c'est bath. Pour le reste, vous avez été hypnotisé par Kââ et ses yeux qui tournent, vous avez confiance, vos paupières sont de plus en plus lourdes, l'engourdissement gagne, vous êtes en son pouvoir, on ne peut plus rien pour vous...
Z'avez tout compris, cher Pop !
...et dire qu'à la base, je comptais titrer ce billet "ici pas de serpents", en référence au Animal on est mal de Manset. Ah, j'aurai dû...
Chic, le Müller-Fokker est de retour. :)
Un petit mot sur la couverture, cela sent son Nicollet à plein nez, semble t'il ?
Maître Nicollet ....
C'est bien lui. Il signa quelques unes des couv' de la série SF-Mystère du Fleuve Noir.
J'espérais enfin voir Kââ — et lui dire comme j'aimais ses bouquins — à un polar-Bastille où il était censé être en dédicace, mais il n'est pas venu. D'après des collègues, il était coutumier du fait !
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