JOËL HOUSSIN APOCALYPSE


BLUE, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1144, 1982

Je reprends mes soliloques sur Joël Houssin. Et dans la droite ligne de Locomotive Rictus, voila une triplette de Houssin en mode post-apocalyptique, post-roadwarrior, post-punk : Du Houssin qui déboîte, pour parler franc.

1981. Après ses débuts spéculatifs délirants (évoqués il n'y a pas si longtemps) et un petit interlude campagnard, Joël débarque au Fleuve Noir. Primo, Spécial-Police avec le lancement du célébrissime Dobermann, puis, quelques mois plus tard, Anticipation.
La cadence est soutenue, du 200 pages par mois, et le résultât nickel. En l'espace de trois romans, Houssin marque son territoire. Coup sur coup. Ça donne un prototype parfait de ce qu'Ango
isse aurait pu être si la collection avait survécut aux années 70 (Angel Felina), un polar fantastique un peu mou mais sympa (Le Pronostiqueur) et un space opéra glauque et cyberpunk avant la lettre (Le Champion des Mondes). Un tour de piste brillant qui atteint son premier point culminant l'année suivante avec Blue, certainement le titre le plus emblématique du Fleuve des années 80.

Dans un Paris en ruine et isolé du reste du monde par un mur infranchissable, une demi-dizaine de clans guerriers se foutent sur la tronche pour des histoires de suprématie territoriale. Outre les Patineurs de Blue qui usent leurs rollers à pointes métalliques sur l'esplanade du Trocad s'y trouvent les Bouleurs et leurs plaques d'acier frontale, les Saignants et leurs bananes gominées, les Skins et leur mentalité dévoluée, les Youves et leur arsenal militaire et, au fin fond du tableau des scores, les Errants, franc tireurs partisans du chaos total, suivis de près par les Musuls en pleine décadence byzantine dans leur cité souterraine. Un joyeux panel de barbares dégénérés, reflet à peine masqué de la faune loubarde Parisienne des années 80 qui fascinait tant Houssin.
En gros, c'est plus ou moins certains aspects du Dobermann revus et corrigés en S-F d'après le désastre.
Bref, après s'être gentiment massacrés sur un bon tiers du bouquin (ça s'appelle planter le décor), nos ultra-violents du futur, unifiés tant bien que mal par Blue, se décident à passer le Mur qui encercle la cité. Histoire de voir un peu ce qui se cache derrière. Logique mais pas si facile à accomplir. D'ailleurs, une bonne partie de nos barbares resterons sur le carreau.
Mais n'en dévoilons pas trop : Blue est à lire absolument. C'est l'un des 10 romans essentiels de la
collection Anticipation. Pas forcement le meilleur Houssin mais l'un des plus marquant, tant par l'imagerie retro-destroy que par son rythme effréné 100% roller-coaster. La marque de fabrique Houssin, massivement approuvée par les insomniaques lettrés.
Quant au final, il est d'une beauté et d'un pessimisme à faire pleurer en choeur Brussolo et Suragne... Une perle.


CITY, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1235, 1983

Une autre perle, un peu moins emblématique mais tout aussi géniale, de la période Fleuve de Joël Houssin, c'est City. Le tout premier Houssin que j'ai ouvert. Et lu.
De très nombreuses fois.
D'ailleurs, mon unique exemplaire, circa-98, a plutôt mauvaise mine. Ça se voit un peu au scan.

Mais trêve de ces considérations égotiques... City, c'est la super zone post-atomique. Du néon clignotant, des consoles première génération, des murs de moisissures et des auto-strates à profusion. Le futur des années 80. La capitale des Etats Unis aux habitants zombies dopés aux jeux vidéos. La ville décharge aux mutants marginaux qui envahissent les rues une fois le couvre-feu tombé. Un no-man's land à peine civilisé par ses immeubles corporatistes et sa politique de sports de combat. Un président champion du ring, un maire sumotori et, perdu dans une conspiration qu'il ne peut comprendre, notre héros, Patrick Stanton, le nettoyeur, le super-vigile à la Vista-Cruiser blindée dernier cri, exterminant par plaisir et par profession les rejets sociaux dans d'interminables rodéos urbains.
La classe.
Car City, c'est Norman Spinrad chez Marvel Comics. Les intercepteurs de Mad-Max refaits à grand coup de Roller-Ball. Watchmen chez les italiens. Ou les bandes de Métal Hurlant moulinées en block-buster de ciné bis.
Je complique un peu l'affaire. C'est du Houssin des grands jours : un foisonnement de personnages larger-than-life, un super-vilain à moto totalement inspiré par le Ghost Rider, une certaine roublardise dans les situations et une écriture froide, tendue, nerveuse. Expéditive, à l'image du final, abrupt. Un coup de poing. Probablement l'apex du Joël Houssin période Anticipation - mieux que du roman d'action : de la SF intelligente derrière une façade d'exploitation en relais de gare. Du 190 pages qui ne s'oublie pas, jamais. Un Anticipation de chevet.
J'ai déjà dis ça pour Blue ? OK, rajoutez City à la liste.


GAME OVER, JOËL HOUSSIN
FLEUVE NOIR ANTICIPATION # 1252, 1983

Mais pendant longtemps, Game Over fut un de mes Houssin favori. Peut être plus que Blue et City. Avec son long crescendo hallucinatif, ses évocations barbares, ses quelques expérimentations narratives entre Ballard et Dick et son argot dégénéré maxi-cave, Game Over était un Anticipation plus atomique, plus étrange et plus fiévreux que les 8 autres Houssin qui le précédaient.
Les dix premières pages - la chute des bombes, observées par différentes personnes, quelques secondes avant impact - sont magistrales. Le final, avec son Nazi fantasmatique, ses nains, ses cancrelats et ses vaisseaux spatiaux perçant un ciel uniformément rouge, totalement délirant. Et entre les deux, une histoire de camionneur à iroquoise qui traverse des zones désolées par une guerre nucléaire avec pour tout chargement un mutant précognitif maintenu en état de stase. Un canevas basique qui se mute lentement en mauvais trip, et un joli message d'adieu promotionnel en dernière page.
Car Game Over, c'est quasiment le chant du cygne de Joël Houssin en Anticipation. Encore deux excellents romans (Voyeur et Les Vautours) et il quittait définitivement le Fleuve pour une hasardeuse aventure éditoriale aux cotés de son ex-éditeur Patrick Siry.
Donc, en quelque sorte, c'est le bout de la piste. Le dépôt-bilan. La rétrospective énervée. Locomotive Rictus reformaté Fleuve Noir après une série de visionnages des trente dernières minutes de Mad Max 2. Soit l'équivalent littéraire (tout aussi clinquant et racoleur, mais bien plus imaginatif) des post-nuke ritals qui polluaient avec bonheur les salles de cinémas de quartier aux début des années 80.
Malheureusement, le gros défaut de Game Over, c'est de susciter des attentes qui ne seront jamais vraiment comblées. De ne rien développer jusqu'à terme. Ou de mettre trop de temps à y arriver.
Surtout, et c'est un comble pour du Houssin, Game Over peine à trouver son rythme. Toute la partie centrale du bouquin, la route, les flics, la drogue, l'orgasme, la folie, est bien trop lâche, presque trop sage, à mille lieu de la perfection narrative de ses précédents tours de force. A mille lieux des visions déferlantes de Locomotive Rictus, auxquelles on ne peut pour autant s'empêcher de penser.
...Mais au niveau Anticipation, ça reste tout de même le haut du panier.
Je sais, j'écris cette phrase presqu'à chaque fois que je parle d'un Anticipation. Mais j'adore Houssin et j'aime beaucoup Game Over. Ça ne vaut pas Blue, ou les Vautours, ou City, mais c'est un très bon roman d'après spéculative française. Et c'est un excellent Fleuve Noir.
Il se peut juste que certains lecteurs blasés par un trop plein de Houssin lui demandent désormais l'impossible.

9 commentaires:

losfeld a dit…

Tu m'as foutrement donné envie de lire tout ça! Ma liste de lecture commence à prendre des proportions inhumaines...

Anonyme a dit…

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Anonyme a dit…

Quelle verve! Quel enthousiasme! Et quel à propos pour nous parler de Houssin en Anticipation. Pour dire la vérité, mon visage s'est éclairé à ma lecture de ton compte rendu de City, qui est pour moi aussi un bouquin favori parmi les favoris, la crème de la crème, lu et relu sans cesse. Et que dire de ta référence à Spinrad, c'est effectivement le premier auteur qui m'est venu à l'esprit lors de ma découverte de ce livre.
J'ai découvert ton blog il y a une semaine (en me baladant sur un forum Blade)et je suis accro. Sur mon bureau viennent de se déposer quelques David Rome et un Max von Grub. J'en frétille d'avance!!!!!!!!!
MERCI!!!!!!

Edouard V.

ROBO32.EXE a dit…

merci beaucoup pour ton commentaire, ça me fait extrêmement plaisir - le but de ce blog étant bien entendu de donner au gens l'envie de lire ou de découvrir cette littérature de gare un peu dénigrée, un peu oubliée et qui, dans son ensemble, ne sera probablement jamais rééditée...

En tout cas, j'espère que Scum et Max Von Grub ne te décevront pas. Ces deux séries là, dans le genre furieux et délirant, c'est le haut de la pile, à mon avis ;)

DrBis a dit…

…Un forum Blade, dit M. Edward ? On doit s'y croiser !
Accessoirement, travaillant à l'époque au Fleuve Noir dont j'étais le plus jeune auteur (je ne dirai pas sous quel pseuo pour ne donner à personne l'idée saugrenue de rechercher mes crottes de jeunesse), je dis dans une lettre à la directrice la vraie origine du terme SCUM, citée par notre Robo préféré !

ROBO32.EXE a dit…

le pseudo, ce n'était pas Samuel quelque-chose ? ou suis-je trop indiscret ?

DrBis a dit…

Gagné. Non, ce n'est pas indiscret… A condition de ne pas rajouter la chose sur ses listes de lecture !

ROBO32.EXE a dit…

bon, promis, si je trouve Mickey Meurtre, je ne le lis pas ;)

Mister Gutsy a dit…

Je vais voir de me les procurer. Ça m'a vraiment donné envie de les lire, merci !