ET UN FLAMME D'OR DE PLUS...

LE ROBOT DE CHAIR, CHRISTIAN BERGEN
FLAMME D'OR / VISIONS FUTURES # 5, 1953

Les Visions Futures se suivent et ne se ressemblent pas - leur seul point commun étant (excepté le Kurt Wargar) de produire une science-fiction calamiteuse dans ses moyens et absconse dans sa narration. Un mélange somme toute assez attachant si l'on sait se montrer patient et pas trop regardant sur la marchandise.
Donc, après les extraterrestres débiles de Stop à L'Invasion, la machine exterminatrice de Et Le Monde Faillit Changer, les aventures ésoterico-spatiales de Planète Atlante et la guerre mondiale des robot-monstres clonés du superbe Alerte Aux Monstres, voici venir Le Robot De Chair, une épopée arctique fort tarabiscotée et quasiment dénuée de tout robot, en tout cas de robot digne de ce nom.

Le roman met 60 pages à démarrer - ou plutôt à en arriver à la partie "épopée arctique" qui semble constituer, aux yeux de l'auteur, le point central de son histoire.
Dans le premier chapitre, un scientifique des années 50, le professeur Valderset, invente une télévision à frimer dans le futur. Tout fier de son œuvre, il se décide à l'étrainer presto et zappe sur 2025 - une façon de se rencarder, ni vu ni connu, sur les destinées à venir des résidus de ses parties génitales. Je veux dire : les destinées à venir de ses petits petits enfants. Excusez-moi, il se fait tard...

"Le professeur Valderset fit un faux mouvement. L'aiguille se deplaça et s'arreta sur l'an 2025... Ils eurent chacun un mouvement d'effroi.
Et ce qu'ils virent...
"
Ce coup là, ça me rappelle l'exergue introductive à la nouvelle de Philip José Farmer pour l'anthologie Dangereuses Visions. C'était, je cite de mémoire (mon exemplaire est sous carton, très loin de mon domicile actuel) : "Si Jules Vernes avait pu voir les années 60, il serait devenu fou. Alors, 2025, oh bordel !"
Et, donc, ce que le professeur et son assistant virent... était pour le moins confus.
Et, pour nous lecteurs, ce n'est pas plus mal !
Car, ne serait-ce que dans ses 60 premières pages, Le Robot De Chair ressemble à un digest de La Foire Aux Atrocités de Ballard façon manuels positivistes des témoins de Jéhovah. Un drôle de cocktail, attachant mais fatiguant. On en vient rapidement à se demander si Christian Bergen, dont Le Robot De Chair semble bien être le seul et unique roman, sait écrire. Car son Visions Futures ne raconte rien et ne ressemble pas à grand chose. Dans l'ensemble surnage tout de même un très étrange paragraphe que Brussolo n'aurait certainement pas renié (Page 19 : "On devinait le délicat travail de l'artiste qui avait su - et avec quel talent ! - détruire l'harmonie physique de ses hommes et de ses femmes, pour s'offrir ce luxe très particulier d'un corp sans foie, sans rate, sans estomac, sans organes sexuels. On était, devant un tel spectacle, pris d'une frayeur qui se doublait d'une bien involontaire admiration.") et quelques amusantes descriptions d'un futur utopiste et naïf typique à la production populaire de l'époque.
La suite, passé le troisième carnet, sombre dans des abimes de médiocrité et d'ennui. C'est l'aventure en terre arctique et non, malheureusement, Christian Bergen ne sait ni écrire, ni échafauder proprement une intrigue. Pendant 120 pages, le lecteur n'est plus là. Il ne prendra la peine de se réveiller que pour une conclusion qui, à défaut d'être explosive, permet de sourire en coin puisque, tel Michel Sardou sur J'accuse, son meilleur morceau (je sens que je vais perdre des lecteurs avec ce post), le méchant du futur déclare, après une magnifique tirade misanthrope (page 184), "oui, je plaide coupable d'avoir voulu recréer l'homme, et d'y être parvenu..."

Mais, Christian Bergen, lui, qu'a-t-il voulu faire, durant les 190 pages de ce roman inepte ? Que désirait-il prouver ? Quel était son but ?
Je n'en ai aucune idée. Et je préfère ne jamais le savoir.

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