LES ENQUÊTES DU COMMISSAIRE ROBO

LE TERRIBLE SECRET DE SONIA MARLOW, A. FAVIERES
JACQUIER / LA LOUPE POLICIER # 38, 1955

Petit interlude entre deux polars de choc et quelques fictions pour mec en ce mois de novembre noir, Le Terrible Secret de Sonia Marlow marque un nouveau rebondissement dans l'affaire concernant la mystérieuse identité du scribouillard excentrique Jan A. Rey, signataire aux éditions Jacquier de trois petits romans : La Momie Du Professeur Synistre, L'Horrible Dragon Invisible et Le Croque Mort Fantôme.
Le lecteur attentif (coucou toi !) se rappellera que j'avais abordé l'étrange cas de cet auteur masqué en janvier de cette belle année 2009... sinon, ce n'est pas grave (sauf pour mon égo souffreteux), tout cela se trouve résumé ici-même, là, oui, là, il faut cliquer, oui oui.
Mais une question, majeure, primordiale, essentielle, arrêtes-moi si j'en fais trop, demeurait : qui se cache, ou plutôt se cachait, cette affaire là date d'un poil de double quart de siècle, derrière le pseudonyme J.A. Rey des éditions Jacquier ?
Ne cherches pas plus loin ! Le Terrible Secret de Sonia Marlow, récit policier foutrement alambiqué et ridiculement tortueux concernant le meurtre d'une slave artiste de cabaret le soir espionne le week-end, apporte semble-t-il un embryon de réponse et, après lecture et une fois le mal de crane dissipé (j'exagère, c'est un roman assez agréable dans l'ensemble), il ne reste qu'une certitude (qui est la mienne, que tu peux ne pas partager mais que je vais t'argumenter) : André Favieres et Jan A. Rey ne font qu'un !
(Vous avez vu comment je ménage mes effets ? On dirait presque du André Favieres ! Quelle maitrise du clavier que j'ai !)
Mais trêve d'auto-flagornerie, il est temps de te résumer en détail ce blot fichtrement emmouscaillé. Prépares tes chasses et fais chauffer ta boite à comprenette, je sors ma loupe pour analyser les indices !

Premier point : le style d'écriture de Favieres dans Le Terrible Secret de Sonia Marlow est à l'identique de celui, très spécial et peu commun, de Rey. C'est atypique comme un fascicule des années 30, très imagé, souvent approximatif et surchargé de points de suspensions. On retrouve aussi les entêtes de chapitres, farfelues, bizarres, colorées. "Une nuit d'amour dans un cercueil" "La baraque aux hallucinations" "Les plantes qui rendent fou..." pour Rey, "Supplices chinois" "GP 13 reçoit une mission ultra secrète" "Alcaloïde de la noix vomique et Oxyde de magnésium" pour Favieres.

Deuxième point : le décors. La série des "André Gérard" de Favieres (une dizaine de titres en Loupe Policier et Espionnage) se déroule principalement dans la ville de Nice et Jan A. Rey était, selon la quatrième de couverture de La Momie Du Professeur Synistre, un niçois d'adoption. Et si son premier roman mit en scène, sans la nommer, la ville de Lyon - probablement en clin d'œil aux éditions Jacquier - L'Horrible Dragon Invisible de Rey et Le Terrible Secret de Sonia Marlow de Favieres adoptèrent tout deux comme cadre principal la cote d'azur en entrainant leurs protagonistes dans les rues et les ports de Nice, Toulon et Marseille.

Troisième point :
l'intrigue et ses valeurs ajoutées, puisque l'on retrouve le même penchant pour l'orientalisme mystérieux, l'exotisme bon marché à relent de péril jaune, de Fu Manchu, de sérial colonialiste des années 30 aussi bien chez Rey que chez Favieres - tout comme ce goût pour les scènes incongrues, improbables, pour les retournements de situations à l'infini, les histoires à tiroirs, échevelées, excessives, sans temps morts mais aux ficelles éculées.

D'ailleurs, Le Terrible Secret de Sonia Marlow fonctionne comme un mélange des éléments majeurs de L'Horrible Dragon Invisible (un réseau d'espionnage insaisissable, des asiatiques en pagaille, des marins, une société secrète) et de La Momie du Professeur Synistre (un jeune homme amoureux - nommé André Bertrand, on est pas très loin du André Gérard de Favieres - et qui devient fou, un complot envers sa personne, des hallucinations macabres et sensuelles, une explication rationnelle mais improbable à la fin) - n'en jetons plus. Je dois oublier deux ou trois autres petites choses - et ce billet se fait bien longuet - mais l'essentiel est là.
Si l'éditeur avait inscrit Jan A. Rey à la place de André Favieres sur la couverture du Terrible Secret de Sonia Marlow, non seulement je n'y aurai vu que du feu mais j'aurai même trouvé cela logique. Quant à une confirmation, n'y comptons pas trop. Favieres n'a jamais notifié Jan A. Rey comme l'un de ses pseudonymes. Étrange.
Je préfère donc laisser aux lecteurs potentiels de Favieres et de Rey le choix du mot de la fin. Quant aux curieux, une petite discussion a lieu à ce sujet sur l'excellent forum A Propos De Litt'Pop'
Assurément, un affaire à suivre !

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