BAISODROME HOLOCAUSTE

OPÉRATION EXTASE, PAUL KENYON
EPP / EROSCOPE # 1, 1975

J'ai déjà causé à 5 reprises de Lyle Kenyon Engel. Le lecteur intéressé pourra se référer au label approprié. N'empêche, laisses moi en remettre un petit coup, ça ne fait pas de mal :
Bulldozer de la vulgarité imprimée, Phil Spector de la littérature virile, bookpackager spécialisé dans tout ce qui jute et qui tache, Lyle Kenyon Engel détournait à des fins purement intéressées les grosses locomotives du roman populaire des années 60/70.
De l'action, des espions, de la violence, du cul, un peu de science-fiction et le tour était joué. Il optimisait la sauce. James Bond devenait américain et queutard, Modesty Blaise se voyait repensée en nymphomane à gros nichons.

Il fit ainsi usiner par son pool d'auteurs-mercenaires des épisodes de Nick Carter Killmaster, de John Eagle Expeditor, de Blade et surtout de The Baroness - crème de la crème du sexpionnage sérieux, écrit sous le pseudonyme-maison de Paul Kenyon et traduit en France dans la collection Eroscope, sous le nom de Penny S.

S COMME SECRÈTE, SENSUELLE, SEXUELLE affirmait l'accroche publicitaire. Me faites pas gober vos couleuvres, les mecs. "S" biscotte placé juste après Penny, ça donne Pénis.
La classe française. Des chibres et des lettres. Ou alors est-ce mézigue qui aurait l'esprit tordu à imaginer telle combinaison.
Car, il faut bien l'avouer, la lecture de Penny S, ça vous chamboule un homme. Après ça, vous n'êtes plus le même, vous voyez le monde différemment. Tout vous semble morne et fade et une question, obsédante comme le clignotement d'un néon détraqué le soir après un acide, vous assaille le cortex :
Où sont-elles donc, ces filles libérées, mannequins meurtriers capables des plus improbables gymkhanas - au lit comme à la ville - et qui combattent, entre deux pauses rimmel, le regard assuré et la hanche hardie, des espions sadiques au priapisme effréné et des savants fous dont l'ébullition de la matière grise ne sert qu'a compenser la triste mollesse de l'appareil génital ?
Réponse : nulle par ailleurs.
On en lit peut être quelques (gros) fragments du coté de La Panthere, de BIS, de OSSEX ou de Cherry O mais jamais les choses n'ont été hissées à ce degré de démesure.

Oui : Penny S représente un monde d'outrance tapageuse, d'exagération sans distinction. On ne monte pas l'ampli jusqu'à 11, on le pousse jusqu'à 1000. C'est la Veuve Noire dévergondée en blue movie, dessinée par Frank Thorne sous viagra, évoluant dans les pages d'une revue de mode au contenu égrillard et suivant la trame générale d'un Matt Helm pleinement conscient de son potentiel pornographique.

Laisses tomber la finesse, bébé. Visualises l'étal d'un boucher sur lequel poseraient quelques playmates surgonflées, mitrailleuses en pogne, éclairées kaléidoscopiquement, rouge, vert, bleu, et sonorisées à gros coups de guimbarde disco et de bruits d'explosions. Visualises Andy Sidaris à la cinecittà, avec la classe de Russ Meyer, avec plus de budget et surtout avec plus d'imagination.
DANS UN MONDE VIOLENT ET ÉROTIQUE, UNE FEMME D'ACTION ET DE PLAISIR !
Top model multimilliardaire, comtesse italienne à l'hyper-sexualité assumée, agent tellement secrète qu'elle en ferait passer la plus discrète des barbouzes pour un candidat de télé-réalité abonné aux couvertures de la presse people, Pénélope Saint-John Orsini, dit Penny S, dit The Baroness, est une majestueuse inflatable doll littéraire, une féministe de papier propre à contenter dans tous ses excès les sales machos à la logique déréglée que nous sommes.

Lyle Kenyon Engel avait parfaitement compris les désirs de sa clientèle et la formule que ses auteurs-anonymes appliquent à ses productions, formule immuable dans ses moindres détails, en était l'exact reflet. Car tous les Penny S se ressemblent. Tous proposent le même dosage des mêmes ingrédients. Une sorte de contrat-confiance scellé dans la routine des séries confectionnées à la chaine.

Dans Opération Extase, son premier forfait (j'ai mis du temps mais j'y arrive !), Penny court après une nouvelle drogue, le Grand D, sorte de super LSD qui tue ses consommateurs en leur refilant une super-trique du tonnerre.
L'homme derrière cette diabolique invention (" elle balaiera les États Unis, corrompra la jeunesse et désintègrera la société occidentale ") se nomme monsieur Sim mais n'a strictement rien à voir avec feu notre chétif comique national.
Sim, version Penny S, est anglais, obèse et en proie à une crampe congénitale. C'est à dire qu'il bande dur et non-stop depuis sa naissance. Un véritable exploit pour le pénis incriminé puisque, en tenant compte de l'ultra-adiposité de son possesseur, il doit constamment " se frayer un véritable sillon dans les vagues inférieures du bas-ventre. "
Miam miam !
L'auteur, de son coté, joue sur du velours. La progression de l'intrigue est parfaite,. Penny S et ses compères enquêtent dans divers endroits des états unis (une communauté hippie, un gang de hells angels, une partouze mondaine et mafieuse) puis partent affronter Mr Sim à Honk Kong.
Là bas, notre héroïne y rencontre aussi son habituelle contre partie masculine, à la fois allié de circonstance et agent double semant le trouble.
Comme le disent les américains, it takes two to tango.
Et comme l'affirme l'auteur, " elle savait qu'il savait qu'ils coucheraient ensemble tôt ou tard, aussi sûr que deux et deux ne peuvent faire que quatre. "

S'en suivent alors les exploits érotiques imposés par le cahier des charges :
"Il plonge maintenant en elle avec la régularité et la puissance d'une bielle fabuleuse"
ou encore :
"[...] elle est glèbe labourée par le soc invraisemblablement doux et puissant de son amant."
Tango tonitruant ! Notons d'ailleurs que chez Penny S, les scènes porno se conjuguent au présent alors que la narration dite "classique" (action, intrigue, enquête) se déroule au passé.
L'effet, maladroit, tend très certainement à inclure dans son cours le lecteur pervers qui ne passe dans le coin que pour se faire reluire le piston en solo, le salingue !
Mais que l'amateur d'action et l'allergique à la branlette ne se sentent pas pour autant floués. Les industries Kenyon ne laissent personne en carafe.

Ainsi, dans Penny S, quand ils ne copulent pas dans toutes les positions concevables, les protagonistes se bastonnent et se dézinguent à tous les étages. Fusillades, courses poursuites, traquenards, il y en a pour tous les gouts.
Amour + guerre = BAISODROME HOLOCAUSTE = grand spectacle assuré.
Ce billet étant trop long, concluons à l'arrachée : Opération Extase est, avec Dépravez-Moi Ça, l'un des meilleurs épisodes de la série. Je dirais même plus : une lecture essentielle pour ceux qui se sentent concernés par le genre.

Dernier point avant d'en terminer pour aujourd'hui : le contrat-confiance scellé dans la routine des séries fabriquées à la chaine, ça n'empêche pas les variations qualitatives d'un titre à l'autre. Petit détour, donc, du coté de trois Penny S clairement moins enthousiasmants...

Par exemple, Le Lit De L'Amazone, deuxième épisode de la série, est aussi (c'est triste mais ç'en est ainsi) la plus ennuyeuse aventure de Penelope Saint-John Orsini qu'il m'ait été donné de lire. Et pourtant, tout y était réuni pour m'exciter un maxi-grand-max : on y trouve des nazis réfugiés dans la jungle de Rio, traficotant un super rayon de la mort avec des diamants, rêvant d'un nouveau Reich de mille ans et se distrayant le dimanche en balançant ennemis et traitres dans un lac peuplé de piranhas ultra-voraces. On y trouve même le fils caché d'Hitler, c'est dire le bonheur !
Las ! L'auteur (Manning Lee Stokes ?) devait probablement être en rupture de son stock d'alcool ou de drogue. On le sent qui renâcle à la tache comme un vieux bourrin têtu. Son potentiel tristement gaché, Le Lit De L'Amazone en devient presque soporifique et les dernières pages sont accueillies avec soulagement.

On s'en sort mieux avec Lune De Fiel, cinquième épisode à l'accroche fabuleuse : "Quarante-huit heures pour détruire l'horreur venue du ciel, et pour seule arme, son sexe..."
J'imagine que le roman est encore une fois écrit par Manning Lee Stokes : on y retrouve son rythme brinqueballant et sa passion pour les freaks sadiques (ici : un nain obsédé sexuel)
Le reste est à l'avenant. Penny combat des ruskoffs dans le désert glacial de l'Arctique, empêche un virus extraterrestre de se rependre sur terre et se fait lécher le clitoris par un loup des neiges. Les standards sont honorés mais je n'en suis pas non plus tout retourné. Disons que le boulot est solidement effectué mais manque un peu d'éclat.

Même chose concernant Fuel Aux As, huitième épisode : c'est solide, c'est agréable mais c'est aussi terriblement terne. Avec plus de folie et un rythme moins lâche, l'affaire aurait aisément pu être dans la fouille. En l'état, ça ressemble un peu trop à Matt Helm Contre La Mort Noire mais sans le talent de Donald Hamilton.

Restons sereins. On ne gagne pas à tous les coups.

2 commentaires:

alexandre clement a dit…

Très bon site que je ne connaissais pas. A bientôt...

Zaïtchick a dit…

Merci pour le petit guide de lecture . ;)