LA DÉCAPE JOHN BOLT

7 HOMMES A TUER, ROBERT HAWKES
PRESSES DE LA CITÉ / NARC # 2, 1975

7 Hommes à Tuer, deuxième volume de la série Narc, s'ouvre comme un western. Trois coups de feu sont tirés dans Central Parc et John Bold, intrépide agent anti-narcotiques, galope en leur direction sur son canasson de location.
" Hue, cocotte ! [...] Montre-moi un peu ce que tu as dans le ventre."
Niché dans son holster d'aisselle, se tient l'habituel colt .45 commander, "cet automatique dont les balles ont une puissance d'arrêt suffisante pour soulever un homme du sol, " et tout autour de notre homme se dresse La Ville, cette menaçante entité post-spillanienne "qui mourrait lentement d'une énorme overdose d'héroïne."
Le décor est planté. Son immutabilité est l'unique ressort dramatique animant la série. John Bolt face à la faune urbaine des camés et des truands, tous réitérant épisode après épisode les mêmes scènes dans une suite de tableaux à l'aspect interchangeable, le même environnement simplement rehaussé de-ci de-là par de menus détails.
Ici : un parc, un cheval, la neige. L'auteur les plaque sur sa partition comme l'ouvrier en bâtiment empile des briques sur du ciment.
Le reste, c'est du connu, c'est du solide. L'éternelle rengaine du flic violent et des truands sadiques, ce générique infini ponctué de quelques riffs énervés pour mieux conserver l'attention du lectorat. Inutile de modifier la formule. Elle colle à la perfection.

Ainsi, dans chaque début d'épisode de Narc, un collègue à John Bolt se fait trucider par ces salauds de trafiquants de drogue. C'est l'étincelle au démarreur émotionnel. L'effet sur-justifie la fonction première de notre héros.
Il était déjà en mission contre le crime qui se sniffe, s'avale et se fume mais le voila désormais transfiguré, n'assumant plus seulement la fonction de justicier assermenté par la loi mais cherchant aussi à assouvir un désir de vengeance tout personnel.
Malheureusement, dans 7 Hommes à Tuer, notre héros n'a pas de collègue à ses cotés pour essuyer une bastos. Et l'auteur n'a que le cheval sous la main pour lancer sa petite combine.
C'est donc le cheval qui trinque.
"Se faire tirer dessus, cela faisait partie des risques de son métier à lui, agent fédéral ; mais s'en prendre à un animal qui ne demandait rien à personne et qui n'avait rien à voir avec les querelles des hommes, cela était tout bonnement impardonnable."
Rassurons les 50 millions d'amis des bêtes, le cheval sera vengé. Et bien vengé.
John Bolt s'en charge.


"Je pense sérieusement à donner votre nom à ce service, vu la régularité avec laquelle le Département nous approvisionne en blessés par balle " lui lance un gars des urgences en page 54.
Pourtant, si l'on fait le compte des morts (violentes) et des blessés (par balle), il devrait s'estimer foutrement heureux, ce praticien hospitalier, de ne pas avoir été muté à la morgue du coin.

Car dans l'univers littéraire de Narc, les chambres froides, je les imagine salement encombrées niveau bidoche sanguinolente.
D'autant plus lorsque, le temps de quelques chapitres, notre héros troque son colt commander (déjà pas dégueulasse question balistique terminale) contre une arme de sa confection, "un fusil de chasse aussi puissant qu'un lance-roquettes."

Changez de cavalière ! Si la valse ne se pratique qu'à deux, les volées de plomb, du coté de chez Narc, ne connaissent par contre aucune limite numérique - excepté celle de la comptée paginale.
158 unités pour assurer le service. C'est suffisant. On tire d'abord et on pose l'intrigue ensuite.

Dans 7 Hommes à Tuer, John Bolt doit donc faire face à Paris Whitman, "l'homme le plus dangereux qu'il eût jamais rencontré," un black dinguo-fou, ancien agent des narc violemment tabassé par des flics racistes et tirant depuis lors sa revanche de la société wasp américaine en abattant à tour de bras ses ex-collègues blancs.
Le cheval ne devait pas pleinement satisfaire notre auteur.
Et John Bolt de se retrouver aux prises avec un faux dilemme : venger Paris Whitman de l'infamie subie tout en l'empêchant, à coup de flingue, de sévir plus longtemps.
Faux dilemme car, comme nous l'écrit l'auteur, "l'activité de Bolt ne laissait qu'une place réduite aux sentiments." Et en avant pour la décarpillade des maccabés, la comptée des mecs troués - sans oublier toutes les filles malmenées et les véhicules explosés.
7 Hommes à Tuer suit le train-train habituel de la série
. Fusillades, guet-apens, poursuites et gros barouf. Et si la locomotive de tête n'a pas la puissance (forcement hallucinante) d'un SCUM de Joël Houssin, la foulée reste bonne : Narc va vite, Narc fait fort et, bien que le duel final soit expédié en trois coups de 45, Narc ne déçoit pas.

Essayez donc si vous en trouvez.
C'est sans aucun doute possible la meilleure série de mectons urbains super-énervés et super-sur-armés qui soit.

2 commentaires:

Zaïtchick a dit…

S'agit-il d'une production française ou étrangère ?

ROBO32.EXE a dit…

ah, c'est vrai, j'lai pas précisé !
donc c'est une série américaine. j'en avais parlé (il y a presque un an de cela) ici :
http://muller-fokker.blogspot.com/2010/04/de-la-drogue-des-gros-flingues-et-des.html

puis j'en avais rajouté une couche là :
http://muller-fokker.blogspot.com/2010/07/white-lines.html

et pour info, l'auteur, Robert Hawkes, signa sous un autre nom (Marc Olden) la série du Black Samourai, non traduite en France mais qui fut adapté en 1977 au cinéma, avec Jim Kelly dans le rôle titre.