LUC FERRAN NE BOUFFE PAS DU REQUIN A TOUS LES REPAS

LUC FERRAN NE FAIT PAS DE CADEAUX, GIL DARCY
LUC FERRAN BROIE DU NOIR, GIL DARCY
ARABESQUE ESPIONNAGE 550 & 555, 1968

Il y a bien bon 6 mois de cela, j'avais encensé un roman de Roger Vilatimo, écrit sous le pseudonyme collectif de Gil Darcy et contant avec fougue et vigueur une aventure du super agent secret français Luc Ferran.
Le roman se nommait Luc Ferran Traque Le Virus et depuis lors, je l'ai élevé dans mes fantasmes de désaxé littéraire au rang de modèle idéal, de prototype fondamental et essentiel du bouquin de gare burné puisque "crystalisant en 220 pages la trop rare essence du genre : action enthousiasmante, incessant déchaînement des péripéties, exotisme poudre aux yeux, révélations improbables et coups de théâtre rocambolesques, tout cela mené crescendo vers une résolution explosive."
C'est donc empli d'une certaine fébrilité que je me suis attaqué à la lecture des deux épisodes suivants.

Le premier, Luc Ferran Ne Fait Pas De Cadeaux, démarre grosso modo là où Luc Ferran Traque Le Virus se terminait.
Notre héros quitte le Japon, prend quelques jours de vacances à Angkor Vat, rencontre furtivement un agent ennemi à Rangoon puis rentre enfin en France y effectuer l'habituelle visite dans le bureau du big boss, histoire de tâter en douce le terrain du marché de l'emploi pour barbouzes et soldats de l'ombre.
Toc toc toc, bonjour patron, quelle est donc la mission du jour ?
Et la mission du jour, c'est de retrouver un général français disparu à Rangoon, justement lorsque, tu le sentais venir, Luc Ferran y faisait un court arrêt détente.
Pour notre homme, la piste est encore toute chaude. Un plus un égale deux et tout le tremblement. Pour son patron, c'est même du tout cuit (" vous réussirez, cette fois encore, comme toujours..." affirme-t-il). Par contre, pour notre auteur, c'est une toute autre paire de manches. Il y a deux cents pages à remplir, faut donc pas fléchir.

Ainsi, le général disparu se nomme Loursain. C'est une manière comme une autre pour bien nous faire comprendre que son cas reste épineux. Mais c'est pas gagné. Car dans l'affaire de son kidnapping, au gars Loursain, c'est une bien fameuse congrégation de bras cassés et de terroristes à petit pied qui se trouve conviée. On y dégotte pèle-mêle des indépendantistes tahitiens, des étudiants marxistes soixante-huitards, un scientifique-fou allemand aux opinions anarcho-crypto-coco et quelques pulpeuses poupées venimeuses au service de (chut !!! c'est un secret, faut pas le dire !!!!!!)
Bref, pas de quoi trembler dans son bénouze, c'est du tout venant mais cela n'empêche pas Luc Ferran de foncer dans le tas comme un violent impérialiste aux muscles d'acier et à la morale bétonnée.
Il torture donc quelques jeunots léninistes et tire les femelles par le chignon en vue de leur éclater la face sur divers éléments du décors.
"Brutaliser une femme ne lui procurait jamais aucun plaisir..."

C'est con, ça, mec, c'est con !
L'auteur, quant à lui, se montre propre, efficace mais jamais génial. En effet : dans Luc Ferran Traque Le Virus, notre héros combattait à mains nues un grand requin blanc. Dans Luc Ferran Ne Fait Pas De Cadeaux, le requin est aux abonnés absents.
Ça aussi, c'est con.
D'autant plus que je vais devoir réécrire exactement la même chose pour le volume suivant, Luc Ferran Broie Du Noir...
Oui, dans Luc Ferran Broie Du Noir (titre classe et classique) il n'y a pas de requin. Et il n'y a pas non plus de secte asiatique robotisée. Ni même de femmes brutalisées.
A la place, Luc Ferran doit faire face au Scorpion Noir, un musulman illuminé qui veut convertir par la force (" Allah le veut ainsi ") les africains à l'islam.
"Un jour [...], la République Arabe Unie s'étendra de Casablanca à Téhéran, et du Caire au Cap. Ce sera la République Islamique Unie, cimentée par la foi unique des divers peuples qui la composeront."
Il est amusant de constater que, deux années plus tard, notre auteur en viendra à écrire exactement la même tambouille populaire mais destinée à un public strictement Maghrébin et sous le pseudonyme de Youcef Khader. L'espion Français était alors remplacé par un espion Arabe et l'ennemi ne se faisait plus musulman mais juif.
Quant aux requins... ah, ça... je ne pense pas qu'ils pullulent du coté de Gaza... mais je peux toujours me tromper, je suis pas doué en géographie.
Dans tous les cas, je conclu. Il se fait tard et j'ai un Penny S à terminer.
Donc :
Deux romans torchés comme dans une usine de camions 18 tonnes. C'est du bien bâti, du rutilant, ça en impose, ça fait tut-tut et la remorque est remplie jusqu'à la gueule mais ça manque de répondant.

Et de requins, aussi.
Mais ça, je crois te l'avoir déjà dit...

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